Ce qu'aurait pu être Drive si Kavinsky s'était abstenu.
La dorure de la précédente réalisation de Nicolas Winding Refn ne peut décemment être justifiée que par la présence du DJ dans la bande originale du film et le nombre de hipsters s'étant rués dans les salles obscures comme pour y pratiquer un before.
Only God Forgives semble être (on l'aura deviné) une oeuvre expiatoire.
En effet, comme pour se faire pardonner du son creux qu'émettait sa version anticipée et édulcorée, Winding Refn nous offre ici du Tarantino régurgité et ravalé cinq fois, avec la violence et le sang qui manquaient à un Wong Kar-Wai trop puritain. Les quelques filtres bleus et jaunes ajoutés avec une parcimonie et une timidité déconcertantes sur la pellicule de Drive se voient ici quasi sacralisés maîtres de la lumière (ce qui n'est donc pas sans rappeler un certain Pierrot de Godard, même si les couleurs y ont une tout autre utilité). Un choix visiblement justifié, dans la mesure où les quelques rares scènes éclairées par le soleil nous ramènent à une réalité que nous avions oubliée, projetant alors le reste de l'histoire dans une espèce de quatrième dimension, après réflexion, quelque peu surréaliste.
La photographie n'est en rien différente de celle que l'on trouve dans Drive, si ce n'est que certains plans parviennent à combler un manque de poésie qui aurait pu devenir pesant par absence de contraste. Quant aux manipulations dolanesques des ralentis et autres plans en profil des personnages en train de marcher, elles fonctionnent convenablement, non sans un sentiment d'amertume conjugué à une impression de facilité.
Les personnages sont intéressants mais se fatiguent vite. On en fait le tour assez rapidement et ce n'est pas plus mal, car ils n'ont rien de plus à exploiter que leur simplicité morale et l'art de manier le sabre (et je ne parle pas de l'extraordinaire capacité du Gosling à ne savoir jouer qu'une seule expression faciale).
On sent malgré tout que c'est un film maîtrisé, avec un scénario qui tient la route et qui, contre toute attente, possède une fin (chose qui tend à disparaître de nos jours).
PS : On remercie également Cliff Martinez pour cette bande son ostentatoire, parfois cacophonique, sans quoi ce film aurait été d'un reposant ennui auditif.