Seulement Dieu pardonne, seulement... Il y a un hic !
N’ayant pas connaissance des films réalisés par Nicolas Winding Refn, j’ai profité de cette occasion pour mesurer son travail. A première vue, grâce au titre du film, on devine facilement que la vengeance sera le thème de prédilection. Pourquoi pas, cela peut être intéressant !
Commençons par ce que j'ai aimé. Tout d'abord, la bande originale : elle colle bien au film, donc à l'ambiance qui en découle. Son deuxième point fort, son amplitude : elle est correcte. La musique ne gâche pas dialogues et autres bruitages. Cliff Martinez, l'auteur de cette B.O., fournit un travail honnête. L'exemple le plus probant se situe lors du combat entre Chang et Julian. L'entrée de Julian dans l'arène où au centre de celle-ci, Chang l'attend. La posture de ce dernier est soulignée par l'introduction de la musique Wanna Fight (15ème titre de L'album B.O. Only God forgives).
Ensuite, vient le travail de production du film. Le jeu des acteurs est convaincant. Bien que Julian soit peu loquace, Ryan Gosling réussit à transmettre des émotions grâce à sa prestation, à rendre son personnage vivant. De même pour Vithaya Pansringarm, dans le rôle de Chang, son allure, ses mouvements font de lui un justicier. Placide il l'est, jusqu’à l’utilisation du sabre qui n’est que l’outil du jugement et dont la délibération s’inscrit dans ses pupilles. Ses mouvements sont calculés. On peut le voir lors du combat à main nue contre Julian. Il contrecarre chaque coup et frappe habilement. A croire que cette institution qu’est la justice peut se personnifier en un seul Homme. Quant à l’acteur interprétant Billy, le frère de Julian, il montre un visage, après avoir commis son crime, au regard troublant plus par la perversité que par l’acte en lui-même.
Enfin, la postproduction contribue à l'ambiance de ce film. Des plans à dominante rouge et d'autres marqués par le bleu. Chaque couleur souligne une émotion, un sentiment, souvent associés à la psychologie de Julian. Ce qui permet d'entrevoir l'esprit torturé du personnage principal. D'ailleurs, ces scènes profitant d'une dynamique par de nombreuses coupures, sont assez longues. Paradoxalement, cela renforce la tension mise en avant par le réalisateur.
Pourtant ces longueurs profitables à première vue sont tout de même pesantes. En effet, elles se retrouvent tout au long du film. Notamment lors des scènes entre Julian et la prostituée, où l’on se demande si la perversité, le sadisme de son frère aîné peut se muer chez lui.
Comme dit précédemment, la vengeance est le thème dominant. C’est le sujet ou l’excuse qui permet l’élaboration du scénario. D’ailleurs le synopsis que l’on peut voir à droite ou à gauche sur le net’ suffit amplement à apprécier la richesse de cette trame. Alors pour ce qui est de la boxe thaï’, de la drogue, voire du marché du sexe ? Ce sont juste des bases pour cette histoire, rien d’autre. Ce qui peut paraître dommage car le réalisateur tire plusieurs ficelles intéressantes mais peu exploitées ... Je suis certain que ce n’est pas l’objectif de Refn. Son objectif, je le perçois comme une apologie de la violence. Une violence dont il offre un spectacle macabre. Des corps vidés de sang dans des positions et états qui nous sont explicités. Un hommage au cinéma asiatique ? Âmes sensibles s’abstenir !
Pourtant cette violence rédhibitoire et ce scénario simple cachent un thème pouvant être dérangeant. Bizarrement, le complexe d’œdipe se marie bien à cette vendetta, laissant apprécier les remarques acides et acerbes de Crystal, la mère de Julian interprétée par Kristin Scott Thomas. Cette dernière, déstabilisant son auditoire, nous laisse dans un embarras qui explique tout, du moins, les relations entre mère et fils. Le malaise de Mai lorsque mère, fils et prostitué mangent, n’est finalement que le produit que Refn veut imposer à son public.
Cette relation consanguine entre une mère et ses enfants, dans un univers où le sexe est un produit comme la violence est une solution, ne laisse personne indifférent. Et cela peut en gêner plus d’un alors que d’autres s’extasieront sur l'originalité, voire l’anticonformisme (si l’on juge que le complexe d’œdipe bouscule les mœurs de chacun), ou tout simplement parce que ce film dérange.
Certes le film est beau, le son et l’image valent le coup d’œil et contribuent à son charme. Mais ce n’est pas pour autant un bon film. Cette simplicité narrative, bien qu’elle permette au spectateur d’estimer le travail technique du réalisateur me prive d’être satisfait pleinement du film. La violence, condition sine qua non du scénario, reste tout de même gratuite par moment.
P.S. : Le karaoké interprété par Chang est tellement inattendu qu’il paraît décalé et donc hilarant.