Alors, le plus "bandant" comme sensation pour un réalisateur, c'est quoi ?
Provoquer des réactions critique et publique unanimement positives ?
Ou provoquer des réactions "partagées', voire parfois carrément hostiles ?
Le "Danois violent" a depuis longtemps choisi.
Les précédents films de Winding Refn l'on prouvé, le cinéaste ("mâchez", ah ah!!) Danois ne s'épanouit que dans le tumulte d'une oeuvre furieusement organique, misant tout sur les sensations physiques et psychiques provoquées par sa mise en scène, et prenant bien soin de ne jamais caresser le spectateur dans le sens du poil.
Comme beaucoup j'avais été conquis par son sublime "Drive", mais je ne m'attendais certainement pas - contrairement à beaucoup de déçus (euphémisme...) - à un "Drive 2".
Quel serait l'intérêt de refaire le même film ?? Si je peux fort bien comprendre les spectateurs qui ont détesté le film, ceux (et je le répète, ils sont légion) qui "espéraient" un "Drive 2", sous prétexte qu'il s'agit du même tandem réal + leading role, ce sont ces réactions-là qui me laissent perplexe, bref...
Je connaissais donc le travail pré-"Drive" de Refn, je n'ai donc pas été plus surpris que ça lorsque j'ai découvert "Only God Forgives" au ciné. Chose étonnante, si j'ai moi-même été déstabilisé par le film lors de sa sortie, ne sachant pas encore tout-à-fait sur quel pied danser à l'époque, j'ai constaté mon affection grandissante pour ce dernier à chaque nouvelle vision.
J'ai acheté le blu-ray, et j'avoues que le commentaire audio de NWR aide considérablement à cerner les tenants et aboutissants du film, ainsi que la psyché, certes quelque peu "aware", mais au combien fascinante du cinéaste.
Il est donc essentiel de comprendre qu'ici on flirte souvent avec le surnaturel - tout sauf un hasard étant donné que l'on évoque ici la culture Thailandaise - , que certains passages du film se passe en fait dans la psyché déglinguée de Julian (bon en même temps, avoir une mère incestueuse et castratrice, ça peut laisser des séquelles...), et qu'il faut savoir faire la part des choses entre ce qui est "fantasmé" et ce qui est "réel", ce qui est "pressentit" et ce qui "arrive". Je mets des guillemets car c'est ici foutrement essentiel pour pouvoir vraiment "entrer" dans le film.
Et comme souvent chez NWR, il est donc avant tout question de "sensations", qu'elles soient physiques ou mentales. Une fois que l'on a accepté la règle du jeu, il suffit de se laisser porter par le rythme hypnotique du film, et là, c'est la claque assurée...Ou pas car, et encore heureux, chacun ne réagira pas de la même façon à ce qui est projeté à l'écran, et nous avons tous des sensibilités différentes et bien particulières.
Visuellement, le film est une tuerie absolue (et je ne vous parle même pas de la copie blu-ray).
Chaque plan est pensé comme un tableau, la photo (ébouriffante) et la lumière rendant parfaitement justice à l'ambiance si particulière de la Thailande et de sa culture. On est littéralement happés par la mise en scène de Refn, hypnotique au possible. Impossible de lâcher l'écran des yeux.
Le film est court - moins d'1h30 - ce qui renforce le côté "shot d'adrénaline" du trip, sachant en plus qu'avec ce concept assez "particulier", une durée supérieure aurait eu de grandes chances d'être fatale le film.
Gosling réussit à faire passer tout ce que son personnage ressent par ses regards sa gestuelle, dans un rôle encore plus mutique que celui de "Drive". Grosse performance donc.
Kristin Scott Thomas est démente, dans son premier vrai rôle à contre-emploi, Refn la transforme littéralement en "garce" blonde tout droit sortie d'un film noir, aussi aguicheuse qu'impitoyable et perverse. Dans le rôle du policier "fantomatique" chargé de veiller au bon équilibre entre le bien et le mal, Vithaya Pansringarm est la vraie révélation du film.
Polar ultra-violent et ultra stylisé, "revenge movie", métaphore sur l'impuissance masculine et sur le complexe d'Oedipe, hommage à la culture Thai (et à son karaoké, qui est une véritable religion là-bas!!), exercice de style éblouissant, "Only God Forgives" est tout cela à la fois, en plus d'être - avant tout - l'histoire de la descente aux enfers et de la rédemption de Julian.
Et qu'on aime ou qu'on déteste, il parait en tout cas bien difficile de nier le statut "culte" promis au film.
Il est donc d'autant plus recommandé à ceux ayant été "rebutés" par le film de lui laisser une seconde chance.
Vous ne serez pas déçus du voyage.