Plus l'intrigue avance plus on doute, moins on comprend, plus on se perd, comme le personnage principal pourtant entouré de gens qui n'ont pas l'air dérangés par l'absurdité de ce qui se présentent devant eux. Comme si cela leur allait de se ranger derrière les théories les plus simples, pour ne pas avoir à se poser trop de questions, à remettre en cause leurs jugements, à accepter qu'ils aient eu tort.
C'est en tout cas ma lecture du film. Il n'a jamais vraiment voulu nous donner les clés des meurtres et de l'intrigue de départ. C'est un prétexte (comme souvent) pour nous présenter le portrait d'un personnage, figure presque cliché du flic torturé mais sûr de lui professionnellement qui finit pourtant par douter de tout. Doute sur son jugement, sur ses souvenirs, sur son passé, sur ses décisions, sur son avenir...Pourtant autour de lui les gens n'ont pas l'air de douter et l'obligent à prendre des décisions, oui mais trop de facteurs l'empêchent de le faire : coïncidences grossières, bouc émissaire, profil rejeté, bébé malformé...
Le film prend ensuite une forme onirique notamment avec des scènes de rêves qui nous font sombrer dans l'incertitude du personnage. L'affaire semble bouclée, sa hiérarchie est contente mais ce n'est qu'une goutte d'eau dans le flot continuel de la rivière. Ce policier initialement si sûr de lui semble être maintenant une coquille vide, écrasé par une histoire qui le dépasse et qui lui a fait prendre conscience de l'absurdité de la vie (pas pour rien que le film démarre sur une citation de Camus) et de l'indifférence totale du reste du monde pour ce qui ne les concerne pas.
Au fond, chacun de nous n'est jamais vraiment sûr, on nage tous dans un scepticisme permanent, jamais certain de ce que l'on fait, de ce que l'on voit, de ce que l'on pense de nous et pourtant on a l'impression que les autres ne se posent pas autant de questions et se laissent aller naturellement et sans crainte dans le courant de la rivière.
Enfin, je crois que tout le monde pense comme ça, non ? J'ai un doute.