Only the River Flows, le troisième long-métrage de Wei Shujun, est adapté d'une novella de Yu Hua, prolablement le meilleur écrivain chinois des trois dernières décennies, dont le roman Vivre ! fut adapté en son temps par Zhang Yimou. Le film, tourné sur pellicule 16mm, se déroule au milieu des années 90, dans une triste petite ville chinoise, et s'impose par son atmosphère trouble et aqueuse, bien plus importante que son intrigue de polar, dans une veine néo-noire détraquée, visiblement très prisée par les jeunes cinéastes chinois (Wei Shujun a 33 ans). Chargé de symboles et traversé de scènes oniriques, Only the River Flowers explore de manière fascinante (agaçante pour les contempteurs du film qui y voient surtout du maniérisme) les tréfonds de l'âme humaine et la folie contenue en chacun, qui plus est quand il s'agit d'enquêter sur une série de meurtres insolubles. En suivant son flic fragile, dont la vie privée n'est pas sans conséquence sur l'activité professionnelle, et vice-versa, le film s'affranchit progressivement du réalisme, fût-il poétique, pour des contrées plus instables, quoiqu'il n'élude pas le poids du collectif dans la société chinoise, source éventuelle d'aliénation individuelle. Sombre et torturé, le film montre qu'après la pluie vient parfois le mauvais temps.