Opéra vertical
7.7
Opéra vertical

Court-métrage documentaire de Jean-Paul Janssen (1982)

Quand sort ce petit film sur l'escalade, j'ai 18 ans. Je grimpouille depuis environ deux ans aux alentours de la belle ville de Pau. Arudy je m'initie, La Mature j'endure, Arguibelle...
A l'époque je grimpe en tremblotant dans Astérix et Péril ou Bouffée Délirante et je rêve. Je rêve tout éveillé, les cheveux dans le vent, le corps gainé, la pensée éteinte. Je ne le sais pas encore mais commence pour moi une histoire d'amour avec les éléments, le rocher bien sur mais aussi la nature, le gaz (les grimpeurs ne parlent pas de vide ou de vertige mais de "gaz" surtout présent en grandes voies), le vent, les copains et la liberté.
Et puis un soir je tombe sur "La vie au bout des doigts" et "Opéra vertical". Tout ceci est encore inconscient mais les idées véhiculées par ces films m'éclatent au visage. J'irai grimper au Verdon et je ferai Débiloff, cette longueur immortalisé par PE dans Opéra vertical. Je n'ai pas encore le niveau 6c/7a qui représente un espèce de Graal mais je vais bosser, m’entraîner et faire la croix ! C'est vraiment à ce moment qu'a démarré ma quête du mouvement "grimpant" donc du mode de vie et des sensations qu'il entraîne.


A cette époque un type qui fait 7a c'est déjà un cador. Pas de murs artificiels ou pans, pas de marchandisation. Le citadin ne grimpe pas ! Il faut être un local et sortir souvent ou faire des bornes pour tâter du caillou. Le matos n'est pas toujours en place. Il faut avoir des coinceurs pour progresser en sécurité et accepter la peur, la dominer, la maîtriser. L'escalade, la varappe ou grimper à mains nues est un sport mal connu et ses adeptes sont un peu considérés comme de doux dingues. C'est le contexte !


Les images défilent et je vois ce type "perfect" qui enchaîne des mouv durs avec une facilité... La candeur due en partie à son jeune âge, la simplicité, la tranquillité qui émanent de lui vont le transformer en un modèle, un exemple pour de nombreux grimpeurs en devenir.
La critique ne s'y trompera pas et PE deviendra une étoile filante emblématique de ce sport.
Trente ans plus tard les images défilent à nouveau celles du film mais aussi celle de ma vie d'homo "grimpant". J'ai revu ces deux films à l'occasion de la mort de PE due à une espèce de déchéance qu'il n'a pas su éviter et j'ai senti une vague de tristesse m'envahir.
Patrick Edlinger était comme un ami, un grand frère lointain qui m'a donné à travers ces images de pureté l'envie de me dépasser et de conduire ma vie vers des sommets de bonheur. Les bases physiques, techniques ou en gestion de l'entrainement que j'ai forgées m'ont permis quelques années plus tard de toucher le graal du grimpeur "faire 8a" puis de pratiquer bien d'autres sports et d'y progresser rapidement et si j'ai pu éviter la déchéance c'est un peu grâce à lui.

SombreLune
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le 10 févr. 2017

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