"Opération Beyrouth" s'est pris une sacrée volée de bois vert de toutes parts : les Libanais ont hurlé de voir leur ville filmée à Tanger, les anti-Américains ont détesté le plan sur la Star Spangled Banner, les anti-Hollywood ont conspué les clichés quant à la représentation du peuple arabe et le mauvais français de (la fascinante) Rosamund Pike, les gens sérieux ont pointé du doigt les raccourcis géo-politiques empruntés par le scénario, et beaucoup de jeunes spectateurs se sont ennuyés fermes devant une intrigue lente et compliquée. Certains ont même déploré une mise en scène pas assez pyrotechnique, regrettant de ne pas avoir pu mettre l'un des frères Scott aux manettes... Diable ! Je dois donc être l'un des seuls à avoir aimé m'immerger dans un thriller pas trop stupide, porté par des acteurs crédibles (tout le cast), voire talentueux (Jon Hamm impressionne à chaque fois qu'on le voit dans un nouveau rôle !), et partant d'une réalité historique complexe pour en tirer une histoire retorse et diablement pessimiste (sur l'état du monde, sur la moralité de ceux qui prétendent "protéger la démocratie"...) comme un bon livre de John Le Carré. Une histoire qui aurait certes mérité un peu plus de temps pour qu'on puisse mieux en saisir la complexité et la richesse, mais qui suis-je pour venir me plaindre que, ces jours-ci, un film réussisse à rester en dessous de la barre des 2 heures ?
Préférons voir ici le verre à moitié plein : le casting original d'acteurs ayant brillé dans plusieurs grandes séries TV, l'intelligence de la représentation de différentes situations de négociation (sociale, politique), la lucidité du sujet qui montre combien derrière les enjeux politiques tonitruants, voire apocalyptiques (on parle quand même ici de la destruction d'une ville, d'un pays...) se dissimulent souvent de banales affaires d'argent et de sentiments... et surtout le plaisir procuré par un film "adulte" et plutôt "mesuré" à notre époque d'excès en tous genres. A votre santé !
[Critique écrite en 2018]