Un très bon polar dramatique, sombre et assez complexe dont l'une des principales qualités est de ne pas présenter un personnage manichéen. Il est violent, torture ses suspects, n'hésite pas à bidonner ses rapports et ne semble comprendre que les rapports de force. C'est aussi cependant un père de famille dévoué et maladroit qui essaye au mieux de faire vivre sa famille. Alors quand l'opportunité se présente d'arrondir ses fins de mois confortablement, il ne montre pas trop de scrupules et collabore pleinement avec les directives des autorités qui désire inventer un tueur en série pour étouffer une série de meurtres non résolues. Sauf qu'il s'agit d'un premier pas dans un engrenage aux rouages imprévisibles qui vont briser ses repères et ses convictions.
Le film a quelques chose de tragique, voire de la fable morale, dans l'évolution de cet inspecteur pris dans une spirale infernale qui prend progressivement le spectateur à la gorge.
Sur cet aspect le scénario est particulièrement bien construit et ne souffre de pratiquement aucun défaut majeur du cinéma coréen. Tout juste peut-on noter 10-15 minutes qui faiblissent un peu (avec un curieux twist presque sorti d'un rêve) mais qui conduisent à une dernière partie vraiment poignante qui a l'intelligence de rester lucide et cohérent sur l'avenir des personnages, qu'ils soient corrompues, victimes ou collaborateurs (in)volontaires.
L’interprétation est remarquable et tous les acteurs parviennent à donner vie à leur personnages et les rendre crédibles, même le procureur impitoyable des services secrets qui n'hésite pas à frapper au visage une célèbre comédienne pour qu'elle accepte de signer un faux témoignage sur ses soi-disant consommation de drogue et qui servira ultérieurement de pare-feu médiatique en cas de scandale gênant pour le pouvoir. Le film devient ainsi glaçant car toujours réaliste tant dans le comportement de ses personnages que dans l'évolution du l'histoire qui repose sur de nombreux faits réels de l'histoire du pays. C'est ce qui permet au cinéaste de ne pas verser dans le mélodrame alors que de nombreux éléments du scénario aurait pu le favoriser.
Dans cet enchaînement implacable d'un pouvoir tentaculaire et omniprésent, j'avoue avoir penser à une habile transposition du cinéma de Costa-Gavras (Z ou Missing) en Corée avec leur spécificité culturelle, toute proportion gardée tout de même même si Kim Bong-han (qui signe son second long-métrage) fait preuve d'une certaine rigueur avec de plus une reconstitution aussi efficace de discrète, soutenue d'une direction artistique à la hauteur.