Orlando fond et confond les genres, qu’ils soient sexuels ou cinématographiques, au nom d’une peinture du cœur humain dans ce qu’il a de plus solitaire et pourtant tendu vers l’attachement. Il s’ouvre et se referme sur le même plan qui résume parfaitement l’entreprise poursuivie par Virginia Woolf dans son roman : Orlando s’adosse à un chêne et trouve là un moment de répit, un raccord à la nature atemporelle, le chêne symbolisant la persistance et la résistance au temps. Aussi Sally Potter met-elle en scène le besoin de lien éprouvé par un personnage que gouverne une profonde mélancolie, ce « besoin de quelque chose à quoi amarrer son cœur à la dérive » (p. 571 in Romans et Nouvelles).
Nous regretterons néanmoins le sérieux plombant d’un ensemble qui manque de légèreté et de second degré – il y a bien quelques idées, telle cette patinoire sur laquelle s’agite l’aristocratie emperruquée –, la réalisatrice échouant en partie à susciter l’amusement voire le rire en adaptant une œuvre régie par un narrateur ironique et moqueur. En outre, l’iconisation d’Orlando, qu’interprète une Tilda Swinton impériale, tombe parfois dans l’excès et laisse de côté la satire des mœurs, bien plus virulente dans le roman original. Demeure une lecture audacieuse de Woolf qui ose restituer l’éclatement du cadre spatio-temporel et ainsi risquer de perdre le spectateur dans un labyrinthe de pulsions et de désirs.