D'une mélancolie toujours juste
La Norvège est un pays de cinéma au contraste étonnant entre films d'auteur et films plutôt grand public. Oslo, 31 août s'inscrit dans cette première catégorie et permet à un jeune cinéaste de s'exprimer à travers un film extrêmement mélancolique.
L'histoire est celle d'un jeune homme, ayant vécu constamment dans l'excès d'alcool et de drogues en tout genre. Les plus dures surtout. Ayant droit à une sortie d'une journée du centre de désintoxication dans lequel il se trouve, il en profite pour revoir du monde, des amis et essayer de reprendre contact avec sa famille.
Cependant, le jeune homme, Anders, est loin d'être bien dans sa peau et le film s'ouvre presque sur cette tentative de suicide, froide, sans son, sans parole. Des images qui marquent d'entrée, mais le jeune homme finira par ressortir de l'eau.
Tout le film, on devra faire avec ce postulat. Anders se rend compte qu'il a gâché sa vie dans la drogue et l'alcool et a une énorme impression qu'il ne pourra jamais rattraper cela. C'est une oeuvre sur la détresse humaine face au temps qui passe et face aux erreurs du passé. C'est aussi un film qui évoque les choix que l'on fait, bons ou mauvais, mais comme lors de sa première rencontre, avec un vieil ami, ce dernier lui raconte que dans sa vie, pourtant rangée et correcte, il n'est pas non plus toujours heureux.
Le film évoque une seule journée de la vie de Anders, celle qui pourrait lui redonner une chance de s'accrocher à nouveau à la volonté de vivre et à celle de se relancer dans le monde. C'est surtout une journée cruciale pour lui faire retirer ses envies suicidaires, mais dans ses rencontres, rien ne lui permet de vraiment changer tout cela.
Dans cette journée crépusculaire, le jeune homme va revivre les derniers instants d'émotions fortes en soirée de la seule manière qu'il ait connu: en prenant pas mal d'alcool (alors qu'il n'y avait plus touché depuis des mois).
On se dit qu'avec un tel film, on pourrait ressortir totalement démoralisé, qu'il s'agit d'un film se voulant noir de noir, sombre, triste, pour le plaisir de l'être. Pourtant, il n'en est jamais question. Personnellement, j'ai trouvé d'une part la mise en scène extrêmement réussie et d'autre part l'acteur principal absolument touchant.
La réalisation parce qu'elle retransmet d'une certaine manière très bien le mal être du jeune homme. Elle est assez flottante, fort silencieuse et d'une certaine manière contemplative. Une des séquences les plus réussies est probablement celle où le jeune homme se retrouve dans un café à écouter les conversations des autres. De plus, certaines petites scènes sont touchantes comme celles du papillon sur la main du jeune homme qui finit par s'envoler ou les quelques scènes de rencontre avec la jeune fille qui se termine par un voyage en vélo, où il s'adosse à elle comme un moment touchant de protection avant de se rendre à une piscine extérieure. Evidemment la mise en scène contient quelques erreurs comme la séquence du vol que l'on devine assez vite ou un montage parfois étrange (lorsqu'il quitte son ami pour se rendre à son entretien d'embauche). Bref, ce n'est pas toujours juste à ce niveau et il est vrai que l'effet caméra qui bouge n'est pas toujours des plus réussi.
En parlant de justesse, il faut évoquer la prestation remarquable de Anders Danielsen Lie. Ce dernier n'est même pas un comédien de formation, il est en réalité un médecin qui tourne de temps en temps des films pour son plaisir personnel et il s'est également lancé dans la chanson. Pourtant, il parvient avec son rôle à susciter énormément d'empathie envers le personnage. Il trouve le ton juste dans cet être qui n'attend plus rien de la vie et qui pourtant donne envie à ce qu'on lui tende la main pour l'aider à s'en sortir. Malheureusement, car c'est ce qu'on ressent, une tristesse pour ce jeune homme, son choix est inéluctable.
En fait, le cinéaste livre avant tout un film très personnel puisqu'il est un ancien drogué qui a lui réussi à s'en sortir. Pourtant, dans ce film, on a l'impression qu'il tient à montrer que ça se joue parfois à rien, à des choix et des décisions que l'on prend et à accepter peut-être de vouloir se relancer, comme si la vie ne tenait que sur un fil et que le poids d'une décision pouvait nous faire tomber ou non.
C'est presque un film générationnel, celle d'une jeunesse amère, ne croyant plus non plus à une société comme celle d'aujourd'hui et qui sombre pourtant dans des excès où il est parfois difficile de faire marche arrière. Celle d'une jeunesse qui a du mal à trouver sa place dans la vie d'aujourd'hui.