Librement inspiré du Feu Follet de Pierre Drieu de La Rochelle (1931), déjà adapté par Louis Malle en 1963, Oslo 31 août raconte la descente vers le suicide d'un ex-camé. Encadré par les services sociaux norvégiens, il doit passer un entretien d'embauche pendant ses quelques jours de permission de sortie. Il en profite pour revoir d'anciens amis, arpenter les lieux qu'il a connu dans le passé, voir goûter à nouveau à certains plaisirs, tout en étant conscient de ne pouvoir rien en tirer au-delà de l'immédiat. Tout en sachant également qu'il est dans l'impasse.
La séance est marquée sous le sceau de la lucidité écrasante du junkie repenti. Une lucidité polluée par une estime de soi dissoute et un pessimisme légitime mais pourtant futile. Anders n'est pas tout à fait dépressif, il est plutôt abattu. Tout a perdu sa saveur, les illusions se sont envolées, celles sur l'avenir ou sur soi également ; celles qui permettent de simplement vivre. Anders ne veut pas être un médiocre comme ses camarades camés ou se caser piteusement comme son ami. Mais Anders ne peut rien vouloir pour autant puisqu'il a effectivement rien, hormis ses 34 ans, son moral décharné, son passé dont les habitants eux ont évolués.
Il n'a donc plus qu'à constater l'absurdité de sa vie, avec une franchise excessive, ni utile ni favorable, mais inévitable. Il applique son regard pseudo-objectif à toutes choses. Et puis il essaie de se consumer, en retrouvant peut-être les satisfactions d'avant – c'est laborieux et minable, que ce soit pour la drogue ou les femmes. Il arriverait presque à accepter totalement sa mort et il observe la candeur des autres avec bienveillance. Il reste ouvert à de nouvelles rencontres fugaces, regarde leur vitalité avec bonhomie, subit la moralisation des beaufs anxieux. Il n'a plus de forces mais les autres peuvent bien en avoir, même si c'est puéril.
Le film fonctionne sur le vécu, le vraisemblable et la connexion du particulier avec de grands malaises universels. Il crée une grande proximité avec le spectateur, grâce au récit continu et sur une durée très courte (moins de 24h). La marginalité dans laquelle il convie ne sera pas étrangère à la plupart des jeunes spectateurs de son temps ; c'est aussi typiquement le film représentant une 'rencontre' à échelle humaine, un peu comme les Pusher de Winding Refn. L'existence autour ou avec les bobos et étudiants des capitales provinciales est restituée sans pareille ; Anders s'en émeut gentiment (la pouffiasse du café et sa liste de vœux) ou l'ausculte avec sagesse (quand il évoque ses parents, intellos doctrinaires et dinosaures gauchistes caricaturaux). C'est son monde, dans lequel il est devenu un fantôme après s'y être comporté comme un petit aventurier hédoniste, talentueux et impliqué.
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