(Spoilers.)


On pourrait dire qu'Anders est seul ; mais pendant tout le film, la vie foisonne autour de lui, il n'est jamais seul nulle part. Il ne se retrouve seul que pour mettre fin à ses jours. La mort est solitude, la vie est multitude. Du monde, partout. Des gens qui parlent, qui vivent. Mais il n'y a aucun traitement des populations comme masse indistincte, sauf dans la scène de la boîte de nuit, où le rêve de ne faire qu'un avec le monde s'accomplit dans l'hystérie générale. Les gens sont individualisés, la caméra s'attarde sur leur visage, sur leur vie, sur leurs mots saisis à la volée. Les paroles sont quotidiennes, conventionnelles, insignifiantes, pauvres, banales. Mais la parole subsiste, les hommes continuent de parler. Quand il se retrouve à un lieu d'Oslo fameux pour rendre les échos, la fille qui l'accompagne s'amuse à lancer des sons inarticulés, et l'écho lui répond. Cela pourrait être la métaphore des paroles qu'on échange en société, triste image... et en même temps, c'est un jeu, un amusement distancié auquel on prend part. Anders a une vision plus pessimiste et cynique des choses. Il persiste à laisser des messages sur la boîte vocale de son ancienne copine, même si elle ne répond pas. Il cherche un interlocuteur fantôme, un espoir ; mais en parallèle, il maintient les autres à distance. Il semble avoir décidé que la vie ne pouvait plus rien lui apporter, qu'il ne pourrait pas s'en sortir. Pendant son entretien d'embauche, il décide de dévoiler son passé de toxicomane ; l'homme en face de lui est surpris, mais ne le rejette pas ; Anders décide d'interpréter ça comme un futur rejet, sa toxicomanie agissant comme la raison du gouffre entre lui et le futur, quelque chose qui ne peut plus être surmonté. Il semble toujours regretter quelque chose, regretter son passé, sa jeunesse, le temps perdu, les gens qu'il a connus et qui ont changé. Il s'est figé dans un bloc, contre les infinies possibilités du futur et le perpétuel mouvement de la vie. Dans un bar, il reconnaît un homme qui avait couché avec son ancienne copine ; il va le voir, lui dit qu'il lui pardonne. Mais l'autre ne le prend pas au sérieux : qu'importe ? Quelle importance peut posséder ce geste dans la situation dans laquelle il se trouve ? Cet homme agit comme un narrateur lucide qui commente sa vie : n'essaye pas de te raccrocher au passé, aux grands idéaux du pardon, aux stéréotypes du genre. Le problème, c'est toi, la façon dont tu traites les autres. Le fait que tu sois un toxicomane n'a rien à voir là-dedans. La toxicomanie n'est qu'une excuse. Tu n'échapperas pas à tes responsabilités. Et pourtant, Anders se drogue à la fin du film, et cela fait écho à sa première tentative de suicide par la noyade, où il finit par remonter à la surface. Ici, il semble parvenir à trouver la mort (même si ce n'est pas tout à fait clair). La drogue l'a tué ; il se suicide en toxicomane. C'est encore, en un sens, échapper à la responsabilité de son acte.
Les dernières scènes montrent les lieux qu'il a traversés pendant le film. Au petit jour, la ville se réveille doucement. La vie continue, sans lui. Rien n'a changé, si ce n'est qu'une chose : nous n'avons plus son regard sur les choses.

Clathy
8
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le 21 avr. 2015

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Clathy

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