Quel plaisir de quitter ces habituelles images aseptisées que nous sert régulièrement le pays de l'Oncle Sam assouvissant son inaltérable soif d'autosatisfaction. Cet ovni brille non seulement par sa liberté de ton, mais surtout par la désacralisation de la figure du cosmonaute surentrainé portant tout l'honneur de la patrie sur ses épaules. La juvénilité de l'humain prend enfin le dessus sur le sens des responsabilités d'un acteur bien trop conscient de sa participation à l'Histoire.
Le contentement d'une erreur de calcul qui permettra de mettre enfin les sacrifices de son entrainement à profit en arrimant manuellement son cargo. La critique de la venue d'un cosmonaute kazakh pour des raisons politiques là où l'ingénieur de vol initialement prévu n'aurait pas été de refus pour le retour. Le documentaire est émaillé de ce type d'élan de spontanéité laissant presque à penser que la Terre et la chaîne de commandement soviétique n'ont plus la même prise sur eux.
Ujica joue beaucoup avec la juxtaposition des images chaotiques du bloc soviétique en pleine dissolution avec celles des multiples fantaisies de l'équipage loin de se sentir concerné par tous ces remous. La vue menaçante des chars à Moscou rejoint celle de l'équipage s'amusant avec l'ingénieux système leur permettant de savourer leur canette de Coca Cola. Évidemment lourd de sens.
Un décalage omniprésent encore plus renforcé par des excentricités visuelles et musicales qui prennent tantôt des airs d'amateurisme de mauvais goût, tantôt des inspirations plus "expérimentales". Pour autant rien n'est réellement gratuit. Le choix de porter l'éloquence du propos sur l'exposition du point de vue des cosmonautes en roue libre sera toujours plus pertinent n'importe lequel de leur récit réfléchi une fois revenu sur Terre.
Une proposition unique que nous ne sommes plus près de retrouver dans cette ère de la maîtrise absolue de l'image. L'exploration spatiale ne constituant plus du tout un enjeu national de premier ordre, il est maintenant nécessaire de transformer ces astronautes en hommes sandwich afin de justifier les énormes investissements et l'importance des missions scientifiques auprès de la population. Les plans de communication sont tout aussi millimétrés que les calculs de trajectoires. Verra-t-on à nouveau des tours de rodéos improvisés par des astronautes hilares ? Non. Si la coolitude reste de mise, elle se doit d'être mesurée...