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Eloy de la Iglesia a donné ses lettres de noblesse au cinéma dit "quinqui", un genre qui provient du mot argotique espagnol "quinquallerie", et qui désigne les quincalleros des quartiers pauvres, qui baignent dans la prostitution et la drogue.


Ici, l'héroïne est le personnage central du film et de sa suite. Paco, fils d'un lieutenant de la Guarde Civile, joue au dealer avec son meilleur ami Urko, fils d'un célèbre socialiste. Les deux garçons dont la famille doivent se détester, sont unis ensemble dans une amitié soudée par l'héroïne. D'abord un peu de poudre sous le nez, puis une première injection et c'est parti : la course à la dose commence et ne s'arrête pas.


Dans ce film, nous pouvons retrouver l'art d'Eloy de la Iglesia à filmer le sale, le dérangeant, le s*xe et la drogue sans tabou. Pour ceux qui n'aiment pas les aiguilles et le sang, passez votre chemin ! "El Pico" se délecte de gros plans sur les injections et les compare rapidement aux sensations de manque qu'éprouvent les personnages après avoir pris une dose. L'art du montage et du jeu des acteurs est assez magistral ; Eloy de la Iglesia passera d'ailleurs de longues années à essayer de combattre sa propre addiction aux opiacés, ce qui fait de "El Pico" un drame social presque documentaire. Contrairement à "Requiem for a dream" qui joue sur l'esthétique et le montage pour nous faire ressentir ce que les personnages vivent, "El Pico" reste dans sa réserve froide : nous voyons la dégradation des personnages physiquement, avec lenteur et inspection. Les folies que procure la drogue ne sont pas esthétisées, elles restent dans la tête et le corps des personnages, et nous spectateurs ne sommes amenés à qu'à contempler la descente en Enfer de jeunes adultes qui n'ont envie de rien.

On retiendra la très belle scène post-finale, où Urko va planer une dernière fois, seul, et le positionnement des personnages dans le cadre.

Comme dans son film précédent "Colegas", Eloy de la Iglesia nous montre sa grande capacité à placer les personnages dans un espace, faisant sens dans leurs relations ou leurs attitudes sans même qu'ils n'ouvrent la bouche. Son acteur principal José Luis Manzano est excellent dans son rôle. Eloy de la Iglesia gardera d'ailleurs une bonne partie de son casting de "Colegas" pour "El Pico" et sa suite, s'entourant d'acteurs professionnels et non professionnels, s'inspirant de la vie très courte de célèbres "quinqui", ainsi que de sa propre addiction.


Néanmoins, "El Pico" ne tombe pas dans la leçon morale. Paco tente même une approche auprès de son père à moins de la moitié du film, quêtant son aide. "El Pico" parle aussi de ça : de la relation difficile avec les parents, de cette rupture et de cette solitude d'une jeunesse livrée à elle-même, en pleine transition politique. Une politique sous-jacente, qui donne les couleurs du film sans pour autant nous noyer dans une dimension politique particulière.


Si vous êtes friand.e de films espagnols, de films sur la drogue, de films sur la jeunesse, de films sur la pauvreté ou de films tout court, posez-vous confortablement devant votre écran avec de l'eau, parce que "El Pico" donne soif de liberté.

Outbuster
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le 6 sept. 2024

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