ou comment les contes pour enfants peuvent tourner au récit de terreur
Pour ma centième critique, un film Disney, pas particulièrement récent, un échec commercial lourd, découvert dans le cadre d'une série (les films sortis en 1985) - un choix d'autant plus paradoxal que je n'ai aucun goût particulier pour les films pour enfants, encore moins quand ils sont interprétés par des enfants. Il convient encore d'ajouter que seules deux ou trois séquences se révèlent vraiment efficaces, que les temps morts ne manquent pas, que les personnages qui accompagnent l'héroïne sont tous très ratés (en particulier l'épouvantail, assez ridicule, objet apparent de la quête, et absolument inutile à peine apparu), très laids - au point qu'on a même parfois le sentiment d'un film un peu fauché.
Mais ...
Le film confié par les studios Disney à Walter Murch, très grand chef monteur, ne répond pas précisément aux canons habituels des films pour enfants. Il ne s'agit pas d'un remake du film original et culte de Fleming (avec Judy Garland), à l'imagerie enfantine, naïve, très colorée et très consensuelle, mais d'une suite - et d'une suite très étrange.
ALICE AU PAYS DES HORREURS
Le pays des Merveilles, le monde d'Oz ressemble à une cité bombardée, à un champ de ruines qui n'a, vraiment, plus rien de magique.
Il y a bien pire.
Dès les premières séances, l'héroïne (Fairuza Balk, aux traits également assez singuliers) est emmenée vers une étrange clinique, confiée pour remédier à ses cauchemars permanents à un médecin illuminé qui la soumet ... à des séances d'électrochocs.
Et les couloirs, inquiétants et sinistres, de la clinique évoquent plus l'univers de Dario Argento que celui de Mary Poppins.
Et la fillette qui l'aide à s'enfuir ne tarde pas à se noyer et à disparaître - pour ne réapparaître qu'à la fin de l'histoire, évidemment plus consensuelle et assez ratée.
La rencontre avec la princesse, la sorcière qui semble régner dans le pays d'Oz, de loin la plus réussie et la plus terrifiante du film, repose sur des substitutions de têtes coupées mais vivantes, conservées dans des vitrines.
Le roi des Gnomes, le souverain de ce monde nouveau dévore ses créatures, le désert de sable réduit en poussière, instantanément, toutes les créatures qui y mettent le pied etc.
Un conte pour enfants ?
DES REFERENCES MULTIPLES
( et pour la plupart empruntées à des films très récents, presque contemporains de Oz)
Alice au Pays des Merveilles, évidemment - avec une traversée du miroir, une poule parlante dans le rôle d'un lapin blanc, une dame de coeur dont les cartes sont précsiément la collection de têtes coupées ...
Un diamant vert
R2D2
L'homme-rocher de l'Histoire sans fin
http://www.vodkaster.com/images/L-Histoire-sans-fin/47495/17356261
Un (étrange) tapis volant (synthèse d'un canapé et d'un élan)
Jusqu'à David Lynch et Blue velvet, avec la transposition directe des personnages du monde réel dans un univers fantasmé ...
MERLIN L'ENCHANTEUR POURRISSANT
Le fameux roi des Gnomes, avatar du médecin fou inventeur des électrochocs pour enfants transposé dans le monde magique d'Oz , est interprété par Nichol Williamson, l'inoubliable Merlin d'Excalibur.
Mais Merlin a bien mal tourné.Il est désormais à la merci des oeufs de poule.
ETONNANT, NON ?
Peut-être pas tant que cela - les contes pour enfants sont remplis de loups ou d'ogres éventrés pour ramener à la vie les grands-mères ou les petits enfants qu'ils viennent de dévorer. Et quant aux chansons pour enfants ...
- "il était un petit navire ..." (qui n'avait jamais navigué o gué o gué) - les marins, pour ne pas crever de faim (dans un remake à peine adapté du radeau de la Méduse, tirent à la courte paille pour savoir qui sera mangé ... le choix tombant, inévitablement, sur le plus jeune, le petit mousse ... o gué o gué ;
- "il était une bergère" (et ron et ron petit patapon), qui commence par la mise à mort du chat (et ron et ron) et finit par frôler (ou pas) l'inceste (petit patapon) ...
- et Perrine était servante", plus tout à fait une comptine pour enfants, certes, avec la huche à pain, les rats, le crâne transformé en bénitier ...
Rien que de très normal? Le Oz de Walter Murch ne constitue, peut-être, qu'une déclinaison assez habituelle, presque tranquille, des peurs enfantines.