Je pensais voir un film sur un boulanger qui rend un village heureux grâce à ses préparations culinaires sucrées, pas à un film sur l'immigration. D'ailleurs je me serais méfié si j'avais su le sujet d'avance, surtout par rapport à la longueur du film (1h50 de film social, pfou, faut s'accrocher quand même), preuve qu'on peut s'appeler Pooper et être un con.
Quel humour ! Quels fous rires !! Ce film est très drôle. Le genre d'humour qui me plaît, c'est-à-dire discret, pas trop appuyé. Le personnage principal se prend pas mal de vents par la vie, par les gens, par lui-même aussi, et c'est à chaque fois drôle. La scène où il découvre les somnifères sans comprendre, la scène où il découvre le talent du jeune pianiste... que de scènes où le héros passe pour un idiot malgré tous ses efforts et surtout malgré ses bons sentiments.
Le scénario est bien cousu ; très vite, l'auteur installe un objectif : trouver du fric/un job pour ramener toute la famille. Les conflits abondent. Et surtout, l'auteur évite le misérabilisme avec ingéniosité. Ainsi, il dilue des solutions que le héros choisit d'adopter ou non. Parfois parce qu'il n'y arrive pas aussi. Vu que la quête reste vaste (étant donné qu'on quitte assez vite le restaurant), on aurait pu craindre un récit mal fagoté, mais non, comme dit plus haut, c'est bien cousu, ainsi, on retrouve des éléments de convergence d'une scène à l'autre. Ensuite, pas mal de moments dramatiques ou de solutions faciles sont détournées par l'humour, ce qui les rend plus agréables.
Le personnage principal est magnifique. Il parvient toujours à se retrouver dans des situations qui mettent en avant ses défauts. Ne fut-ce que la première demi-heure durant laquelle il est serveur malgré sa maladresse et sa poisse naturelles. Puis il ne baisse jamais les bras et parvient à rester optimiste même s'il râle beaucoup ; c'est ça qui le rend si fort.
Il y a beaucoup de thèmes qui m'ont plu. Une de mes scènes préférées, c'est lorsqu'il se met à parler avec sa famille dans sa chambre. Une scène que j'aurais aimé écrire. En fait, j'aurais aimé raconter tout le film, mais cette scènes là me parle plus particulièrement.
La mise en scène est très simple. Pas vraiment de travail sur l'esthétique, même s'il reste quelques plans très beaux (la scène où les tarés du poulailler observent en silence les enfants du patron qui baignent nus dans la rivière). Le découpage est efficace : la valeur de plan et l'angle de vue mettent le plus souvent en valeur l'humour, sans jamais appuyer dessus maladroitement. Par exemple, le coup des flacons de somnifère vides, il aurait été lourdingue de les filmer en gros plans, au lieu de ça, c'est montré comme si de rien n'était. La musique est fort présente dans le film, mais de la bonne manière (à part que ma copie du film est d'une qualité médiocre à ce niveau-là, ce qui peut gâcher le plaisir de certains chants) ; elle accompagne le personnage, le revigore le plus souvent, l'aide à penser et permet d'éviter plus facilement encore le misérabilisme (la scène où les musiciens débarquent après le suicide !).
L'acteur Nino Manfredi, je ne le connaissais pas. J'oublierai certainement son nom et même son visage. Mais pour ce soir il m'aura marqué. Je vais d'ailleurs noter que je dois trouver d'autres films avec lui, même si dans 5 ans je ne me souviendrai plus où je l'ai vu... Il transmet beaucoup de choses avec du tact, mais aussi parfois en en faisant des caisses. Dans tous les cas, il fait mouche. Il alterne les moments comiques et dramatiques avec une efficacité redoutable (toute la partie où il est blond, par exemple).
Enfin, c'est le réalisateur-scénariste Franco Brusati qui m'intéresse. Lui non plus je ne le connais pas. Je me doute bien qu'il s'agit ici de son chef d’œuvre, mais j'espère tout de même être scotché face à ses autres films, si je parviens à les voir un jour !
Bref, "Pane e cioccolata" est une comédie à la fois drôle et touchante. Quel plaisir face à ce film.