Permettez-moi d'être dubitatif sur le statut de ce film. Considéré souvent comme un des grands westerns des années 80, Pale Rider ne me semble pas du tout mériter sa réputation.


Le fameux personnage du cavalier solitaire, personnage qui n'ouvre la bouche que pour sortir des punchlines et des lignes de dialogues empreintes d'une grande sagesse (il est chrétien, forcément), dégouline de l'égo de Clint Eastwood. Apprécié de tous, brut sans être méchant, il est directement décrit comme l'homme providentiel (son assimilation dès le départ à un cavalier biblique est assez frappante, même s'il est décrit comme "amenant les enfers avec lui" pour la forme) venu aider les pauvres prolétaires chercheurs d'or, qui sans lui ne pourraient pas vraiment se débrouiller. Batman n'a rien inventé : d'un plan à l'autre, le cavalier est capable de disparaître, et quand on le voit de nouveau, c'est soit qu'il pointe son flingue, soit qu'il prépare une punchline à sortir. Je n'exagère rien, le film en est à ce niveau de ridicule, sacralisant un personnage archétypal au possible, finalement bien plus lisse et conservateur qu'il n'y paraît.


Face à lui, les personnages ne sont guère mieux écrits. On a le droit au patron d'un complexe industrialo-capitaliste, qui veut forcer les pauvres prolétaires à quitter leurs terres. Ça ne vous dit rien ? Mais si bien sûr, c'est un conflit qui a déjà été traité des milliers de fois au cinéma, et de manière bien plus fine et nuancée, sans un Clint Eastwood providentiel venu sauver la mise. Evidemment, tous les personnages qui entourent ce complexe capitaliste (et qui détruit la nature) sont des ordures, allant même jusqu'à essayer de commettre un viol. Difficile de faire plus manichéen et simpliste. En pleine période Reagan, on fait ce qu'on peut, n'empêche qu'Eastwood ne quitte jamais la caricature, autant du côté des prolétaires que des riches capitalistes, préférant se concentrer sur des intrigues secondaires inutiles (l'amour de la jeune fille et de la mère à son égard : irrésistible, le Clint !) plutôt que de développer la lutte des classes.


La mise en scène n'est guère là pour sauver le film : académique, plombée par une musique omniprésente qui construit une tension artificielle, elle ne sort de son carcan que lors de quelques séquences dont la violence et le montage rappellent Sam Peckinpah. Alors oui, on a le droit à de beaux panoramas en cinémascope, mais pas grand chose d'autre à se mettre sous la dent, malheureusement.


Et ainsi, sans surprise, le film se finit sur des scènes d'action gratuites vides d'intérêt et dont le dénouement est prévisible depuis une quarantaine de minute. Je me demande sincèrement : si Clint Eastwood ne jouait pas dans ce film, s'il ne l'avait pas réalisé, est-ce que l'histoire du cinéma l'aurait retenu ? Ne l'aurait-elle pas relégué à un de ces énièmes westerns oublié au fil du temps ? Les spécialistes de Clint Eastwood pourront toujours trouver un intérêt quelconque au film en le remettant en perspective avec le reste de sa filmographie. C'est là tout l'avantage d'être un grand nom du cinéma.

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le 27 août 2017

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