Et l'Enfer marchait avec Lui.
Ce film est mon préféré de Clint Eastwood. Je ne pense pas que ce soit le meilleur (pour moi, cette place revient incontestablement à Unforgiven), mais c'est Pale Rider que je revois le plus souvent et avec le plus grand plaisir.
Western très classique dans son déroulement, il réserve quand même quelques surprises agréables.
Pale Rider est d'abord un très on divertissement. Action et humour, avec un brin de romance. Le scénario suit le canevas d'un western traditionnel : splendides paysages, méchants très méchants, victimes très victimes et un sauveur, sans oublier le duel final.
Et puis, le Clint, il sait nous prendre à revers, là où on ne l'attend pas. Cet homme inconnu est forcément un tueur à gages, un criminel ? Le voilà qui apparaît en prêtre ! Et je vous laisse découvrir ce qu'il fait pour abattre un colosse menaçant placé devant lui... (colosse d'ailleurs interprété par Richard Kiel, rendu célèbre pour son rôle de Jaws dans deux James Bond).
Cela suffirait à faire de ce film un divertissement bien sympathique, mais il y a plus. En filigrane, on assiste à un portrait très désabusé des USA. Un pays qui a perdu sa morale, qui a trahit les idéaux des pères fondateurs. Désormais, l'argent et la course aux profits font la loi, et même les représentants de l'ordre sont des criminels au service des plus riches (après tout, Stockburn est un marshal). L'apparition d'un prêtre (malgré ses méthodes peu orthodoxes) et son opposition aux projets d'un riche industriel peut se lire comme une symbolique d'un pays qui a tourné le dos à ses idéaux philosophiques et liberté et de tolérance, enterrés sous les promesses de profit.
Et comme si ça ne suffisait pas, Eastwood en rajoute encore une couche : Pale Rider est un western fantastique. Fantastique dans les deux sens du terme : parce qu'il est très réussi, mais aussi parce qu'il flirte avec le surnaturel.
SPOILS SPOILS SPOILS
Le cavalier arrive au moment où la jeune Mélanie fait une prière et demande un miracle.
Les impacts de balles dans son dos semblent toutes avoir été mortels.
Stockburn paraît le connaître mais... "ce n'est pas possible, il est mort il y a un an". Et pourtant, quand il se trouve à quelques centimètres de lui, le terrible marshal est bien effrayé. Et les impacts de balle dans le dos de Stockburn reproduisent très bien ceux que l'on a pu voir sur le cavalier, ce qui nous confirme que c'est mortel.
Lors du duel final, l'homme sans nom semble être partout à la fois, mais jamais visible (au maximum, on voit sa main portant le révolver).
FIN DE SPOILS
A cela, Eastwood rajoute des références bibliques à foison, à commencer par le titre. Le Cavalier Pâle est un des quatre cavaliers de l'Apocalypse, "et l'Enfer marche avec lui". Et, comme par hasard, Mélanie lit ce passage de la Bible quand il arrive devant elle.
Plus tard, le cavalier renvoie le riche industriel en lui citant les Evangiles.
Et puis, cette volonté de protéger eles pauvres et d'accuser les riches de tous les crimes est très biblique également.
En endossant le rôle de l'Ange Exterminateur, Eastwood pousse au plus loin la logique du cavalier solitaire des westerns spaghetti : un personnage dont on ne connaît jamais le nom, ni l'origine, aux pensées insondables, et qui semble envoyé à un endroit pour remplir une mission. Et surtout, il semble mettre un terme aux films qui l'ont rendu célèbre, à commencer par Pour une poignée de dollars. A la fois un hommage, et une façon définitive de tourner la page.
Le surnaturel ne s'arrête pas au seul personnage du cavalier. Les adjoints de Stockburn ressemblent moins à des hommes qu'à des mécaniques infernales : tous absolument identiques, non individualisés, produisant des gestes répétitifs, obéissant sans réfléchir, et qui ne semblent même pas doués de la parole.
Or, cet aspect surnaturel, loin d'être une intervention optimiste, conforte encore le tableau sombre que le cinéaste fait de son pays. Des USA qui sont dans un tel état de déliquescence morale que seul un miracle pourrait les sauver, les ramener dans une voie juste et droite. Redonner au pays une unité sociale.
Et l'agréable film d'action un tantinet comique se transforme en film fantastique sombre.
Du grand Eastwood.