Suite à une dispute de jeu, un immigré clandestin est abattu par ses partenaires. Le cadavre est balancé dans les eaux du port, et retrouvé le lendemain par la police. Lors de l'autopsie, on découvre que le mort portait le bacille de la peste pneumonique, variante extrêmement contagieuse - et mortelle, évidemment - du fléau. Afin d'éviter une épidémie, le docteur Reed, du service de la santé publique des États-Unis, fait équipe avec le capitaine Warren, de la police de la Nouvelle-Orléans, pour arrêter au plus vite toutes les personnes ayant été au contact du mort. Ils ont 48 heures avant que la situation devienne incontrôlable, n'ont aucune piste, et sont suivis par un fouineur de journaliste...
Sur les bases de ce scénario intelligent et particulièrement original pour l'époque, Elia Kazan livre un excellent film noir qui se pose également en précurseur du sous-genre « film de contamination virale ». Nerveux, bien rythmé et fréquemment accompagné d'une petite musique jazzy qui contraste avec la gravité de la situation, Panique dans la rue tient toutes ses promesses. Richard Widmark, causeur comme toujours, brille dans son rôle de docteur compétent mais esclave de son boulot, alors que Paul Douglas campe à merveille un inspecteur de police caustique et désabusé. Face à ce duo de fonctionnaires mus par le souci de la santé et la sécurité publique, Jack Palance est Blackie, le bad guy de l'histoire. C'est d'ailleurs la première fois que sa gueule à angles droits apparaît au cinéma, et c'est une franche réussite.
Si la deuxième partie du film, celle de la traque de l'assassin par les forces de l'ordre, est de facture relativement classique, elle se conclut de manière grandiose par une excellente scène dans un gigantesque entrepôt de café. Mais c'est surtout la première partie, celle où la perspective d'une épidémie de peste semble inévitable, qui est captivante. Filmé entièrement en décors naturels à la Nouvelle-Orléans, Panique dans la rue a également bénéficié de la puissance créatrice collective de toute l'équipe entourant le réalisateur, ce dernier n'ayant pas hésité à discuter du script en cours de tournage et à laisser une grande latitude à ses acteurs. Vu par certains comme une métaphore de la menace communiste - l'épidémie venue de l'étranger, qu'il fallait enrayer à tout pris dans l'Amérique conservatrice d'après-guerre - cette œuvre est indéniablement personnelle, mais peut-être pas à ce point-là... Enfin, j'ai du mal à y croire. Par contre, Kazan ne manque pas de rendre hommage à ses racines en envoyant ses deux héros faire la tournée des restos grecs, et leur fait même découvrir... le chiche-kebab !