Paprika est clairement une oeuvre à part. Une sorte de testament cinématographique pour son réalisateur, malheureusement décédé, qui va nous faire rêver pendant 1h30.
Paprika n'est pas définissable dans le sens où il échappe à toutes les lois de la science et de la réalité. Il est clair qu'il ne faut pas avoir un esprit cartésien pour pouvoir apprécier le film. Un film complètement fou, une tornade de couleur, une symphonie des sens, Paprika est un labyrinthe sensoriel infini qui ne semble jamais se finir et dans lequel, on prend plaisir à se perdre.
En 1h30, Satoshi Kon instaure un univers démentiel qui bouscule tous les codes rationnels et réels en un clin d'oeil. Car même si l'intrigue principale se base sur une trame logique, son exploitation déforme toutes les lois scientifiques connues.
Le film est une oeuvre très adulte, se caractérisant comme étant une sorte de condensé d'obsessions, dont la peur de la technologie en premier lieu. Cette technologie qui nous pervertit et qui nous change au plus profond de nous même.
Mais la vraie force de Paprika réside dans sa capacité à exploiter l'illusion. Et pour cela Satoshi Kon va retourner à la définition même du cinéma. Le cinéma est un art basé sur l'illusion et la manipulation, et le résultat détonne, puisqu'il nous sert une gigantesque mise en abîme du 7e art. Les rêves s’emboîtent les uns après les autres (coucou Inception !) avec une facilité déconcertante, tout en se liant à la réalité pour arriver à un voyage totalement délirant et détonnant. C'est une ode à la complexité des rêves et à leur capacité à nous émerveiller, nous effrayer, nous éloigner de la réalité.
L'art visuel de Satoshi Kon s'exprime ici au maximum, la beauté des images grandissant à chaque plan. Cette beauté s'exprime par la multiplication et le mélange détonnant des couleurs, dans lesquelles se muent une caricature enfantine et des plans plus travaillés et plus étonnant. L'univers qui nous est servi provient de tout horizon, le réalisateur ne s'autorisant aucune limite pour faire progresser Atsuko/Paprika à l'aide de transition toutes plus fascinantes les unes que les autres. Ses plans se construisent en fonction de son changement d'apparence, passant de Bouddha aux sirènes en passant par le sphinx d'oedipe et le mythe du Roi-Singe. En résulte une virtuosité du mouvement et une grâce incroyable.
Si l'on pourra regretter des longueurs et quelques répétitions ici et là, Paprika réussira à nous éblouir par sa diversité culturelle, sa folie, sa complexité, sa finesse et sa tendresse. Une oeuvre importante, dans le paysage du cinéma d'animation, elle pousse la réflexion sur plusieurs niveaux amenant une certaine fascination et un certain mythe autour d'elle.
Satoshi Kon est parti trop tôt, emportant avec lui, ses rêves et ses ambitions. Mais son oeuvre, restera à jamais dans les mémoires et son héritage inspirera très certainement d'autres cinéastes à travers le monde.
PS : J'ai mentionné que la BO déchirait tout ?