Le temps de remettre ses neurones sur les rails, de laisser ses synapses reprendre leur rythme naturel de travail et de se réapproprier des pupilles qui ont été sans cesse stimulées pendant près d’une heure et demie, il est bien difficile de retrouver le chemin de la réalité après un tel déluge de pistes oniriques à explorer.
Si dense et inspiré, Paprika rejoint avec évidence ces oeuvres adultes qui illuminent de leur présence le cinéma d’animation. C’est en effet aux côtés de films comme Akira, Ghost in the shell, le tombeau des lucioles ou encore Perfect Blue du même réalisateur, pour n’en citer que quelques uns, qu’il vient trouver une place de choix. Et si, à l’instar de ces titres dont la réputation n’est plus à faire, ce bijou d’animation parvient à impressionner par l’impact des thématiques qu’il aborde, c’est bel et bien en premier plan le travail sur l’image qu’y effectue un cinéaste en pleine possession de ses moyens, qui s’impose comme une brise revigorante en pleine canicule.
S’appropriant un sujet propice aux idées de réalisation les plus folles, Satoshi Kon laisse libre court à son imagination débordante, ne s’embarrassant d’aucune limite pour partager ses pensées les plus folles. Ses rêves graphiques sont ainsi rendus accessibles, entre onirisme et réalité en mutation, il convient de se laisser porter dans un voyage dépourvu de logique, essayer de comprendre l’univers de Paprika de façon rationnelle étant le meilleur moyen pour rejeter un film bien trop fou pour être saisi complètement.
Ce qui impressionne dans un film comme Paprika, c’est cette maturité évidente qui semble se dégager de l’image. On est véritablement dans une oeuvre dont l’animation est davantage un moyen de réaliser des séquences improbables qu’une démonstration d’identité à proprement parler. A titre de comparaison maladroite, mais cependant appropriée, Inception essayera de jouer cette carte d’investissement des rêves, mais là où Nolan se heurte aux possibilités des prises de vue réelles bourrées d’effets numériques, Satoshi Kon peut laisser éclater à l’écran une fougue qui n’a de limite que sa propre imagination. Le résultat est sans appel, rarement on aura pu s’abreuver d’une telle densité d’idées exacerbée par un sens inné de la percussion par le dessin.
Véritable ode à la créativité, Paprika réussit l’exploit de faire entrer en résonance la complexité d’un bon script de science fiction et la douce liberté d’expression rendue possible par le monde de l’animation. Si les plus cartésiens seront peut être réticents devant ce flot d’image non contenu, ceux qui réussiront à trouver la fréquence de réception de ce concentré de stimulation mentale et visuelle classeront sans aucun doute cette marche finale de l’œuvre du regretté Satoshi Kon comme une grande réussite d’un auteur alors au sommet de son art.