Encensé par la presse et sélectionné à divers festivals, y remportant parfois des prix, Paprika est le nouvel opus du génie qu'est Satoshi Kon. On le sait déjà, le réalisateur japonais a toujours été fasciné par l'être humain et son psyché. Si ses précédentes oeuvres nous plongeait au coeur de la dualité qu'une personnalité pouvait connaître, de la schizophrénie et des conséquences que cela pouvait avoir, il plonge encore plus dans les tréfonds de l'homme en s'attaquant cette fois-ci à ses rêves et à son imaginaire.
Mais à chaque sujet, les revers de la médaille sont présents. On est en droit ici de se questionner sur le fait que comme ce n'est pas la première fois que l'auteur s'attaque à ce genre de sujet (vous l'aviez compris qu'il en avait fait son thème de prédilection), on se demande si ce n'est pas le film de trop, celui qui donnera l'impression que Satoshi Kon ne fait que tourner en rond et qu'il ne fait que se répéter... Fort heureusement, tous ses préjugés sont rapidement balayés, tant on a l'impression de découvrir autre chose. Certes, la schizophrénie, la division d'une certaine personnalité en deux, entre le bien et le mal, entre ce qu'on vit et ce qu'on imagine, entre la réalité et le rêve...
Schizophrénie tout d'abord sur le personnage féminin principal. Paprika n'est autre que le nom de cette sorte de psychologue qui interprète les rêves et qui en cherche les significations et parfois, les solutions. Au fur et à mesure du récit, on finit par comprendre que Paprika n'est autre que le double de la jeune scientifique. Un alter ego totalement différent. Paprika et la scientifique sont d'un point de vue de caractère aux antipodes l'une de l'autre. La première fait de sa "vie" une aventure tandis que l'autre aura choisi une voie plus tranquille. Il y a aussi ces deux scientifiques qui refusent de grandir, qui sont comme des enfants dans ce monde d'adulte et qui sont à l'origine de l'invention. Ils ressemblent énormément à cette Paprika tant ils semblent totalement déconnecter du monde réel. Ils aiment faire ce qu'ils veulent quand ils le souhaitent et tant pis si cela peut engendrer des dommages à autrui.
Mais le plus intéressant avec Paprika reste bel et bien l'approche que Kon donne sur les rêves. Un échappatoire pour l'être humain, un endroit où les désirs, même (surtout?) ceux refoulés dans la réalité sont alors montrés à l'écran. Cela donne une impression au manga d'être totalement fou, il s'y dégage très rapidement une drôle d'atmosphère entre des moments où on a l'impression d'être dans un songe d'enfant (les poupées qui marchent) et parfois être dans un cauchemar d'adulte (le méchant poursuivant Paprika). Mais ce que l'auteur cherche aussi à démontrer, c'est à quel point il peut être dangereux d'essayer de contrôler, de comprendre ou encore de manipuler les rêves. Le cerveau est une machine formidable dont il est encore très difficile pour le scientifique de le connaître dans tous ses moindres détails.
Passons cette fois-ci du thème aux dessins. Il suffit de comparer avec Tokyo Godfathers pour constater à quels points ceux-ci ont évolué. Nettement plus joli, ce japanimé bénéficie en plus de l'apport de la 3D pour certains effets. Le plus impressionnant reste probablement celui où le policier se retrouve dans un couloir entrain de poursuivre quelqu'un jusqu'à ce que le sol se mette à onduler. Cependant, les puristes de la 2D n'auront pas à s'inquiéter, il y en a que très peu mais cela donne une touche très réussie au film. La preuve que la 2D a encore de très beaux jours devant elle. Enfin, la musique de Susumu Hirasawa enfonce encore plus le clou de ce qui s'apparente à un univers très spécial qu'est celui des rêves...
Satoshi Kon a promis après ce film de changer de registre soit parce qu'il en a décidé ainsi, selon ses désirs soit parce qu'il a compris que ses thèmes risquaient de devenir trop répétitif. Pas de soucis pour celui-ci, Paprika termine normalement la boucle que l'auteur avait commencé dès son premier film. Et il le fait de la meilleure des manières possibles...