Il y a comme cela des oeuvres qui vous tiennent le cœur au bord des lèvres, vous minent, vous anéantissent. « Paradise » d’Andreï Kontchalovski en est un pur exemple, l’un des plus hard sans doute.
Tuée dans l’œuf, la grandeur d’âme humaine qui jaillissait de toutes parts dans « Les nuits blanches du facteur » (son dernier film sorti en France en 2015). Une chape mortifère recouvre le bel optimisme du réalisateur, traumatisé sans doute par les derniers évènements (Lybie et autres). Pour quelqu’un qui a connu les affres de la censure bolchévique en U.R.S.S, la déconsidération et l’exil, il est sans doute essentiel de rappeler que les exactions bellicistes ou guerrières d’aujourd’hui égalent, voire dépassent celles d’hier.
A travers les destins d’Olga, de Jules ou d’Helmut et des autres, l’aspect humain de la guerre 39/45 est mis à mal, chacun y allant de son assurance et de son bon droit. C’est dans ce sens que le message est des plus sombres, les mêmes causes provoquent toujours les mêmes effets aussi mécaniquement qu’est la construction du film.
Car au niveau de la mise en scène, Kontchalovski retrouve sa ferveur et sa précision qui traversaient déjà « Sibériade » ou « Runaway train », où d’un contexte précis, il décortique chaque comportement et pousse à l’analyse de chaque situation. Le fait de jouer sur ces témoignages d’outre-tombe, avec le côté glacial que cela implique, renforce le malaise et provoque le ressentiment. Avec quelques scènes d’une rare violence, des discours éprouvants, une photo noir et blanc extraordinaire et le souci de véracité dans la reconstitution de cette période, Kontchalovski se livre à une véritable autopsie du crime contre l’humanité. Il ne cherche pas pour autant à observer l’horreur, mais bel et bien à mettre à jour le mal qui continue à ronger une paix de plus en plus précaire de part et d’autre du monde.
Pas étonnant alors que « Paradise » soit couvert de prix en Russie, Allemagne, Israël en plus de celui de la mise en scène à Venise, ces pays savent ce que le mot guerre veut dire et ce que leurs peuples ont traversé.
Ames sensibles s’abstenir, pour ma part, il m’est difficile de m’en remettre complètement.