***Le jour où tout a commencé *
Il faut que je vous raconte ce que j'ai vu ce Mercredi matin, et en même temps il faut que je vous en dise le moins possible parce que le 5 Juin approche et qu'à votre tour, vous allez pouvoir narrer cette histoire à vos proches en évitant d'en dire trop... et ainsi de suite, (la naissance, la renaissance, l’œuf ou la poule, tout ça tout ça... )
Et puis en même temps, j'ai une seconde contrainte, il faut que je reste mesuré dans mes propos, on a tellement galvaudé le terme de chef d'oeuvre et les superlatifs devenus tout aussi commun qu'on y a perdu beaucoup de sens et qu'il devient plus compliqué de porter aux nues des œuvres que l'on affectionne.
L'Homme derrière le réalisateur
Bong Joon-ho n'en est évidemment pas à son coup d'essai, bien avant son grandiose Memories of Murder qui date déjà de 2003, il nous avait plongé dans une comédie noire grinçante autour de tueurs de chiens dans un ton qui jonglait déjà entre la satire sociétale et le drame avec une certaine dextérité. Ces choix viendront ensuite parachever une idéologie qui n'en font pas seulement un cinéaste brillant mais également aux idées appuyées par des propos fort qui s'illustreront à travers sa meilleure arme, sa caméra...
Quand on est capable de pondre un polar noir éblouissant de justesse qui contextualise une Corée dans les années 80 avec une profondeur et une cohérence assez hallucinante le tout saupoudré d'un humour noir particulièrement savoureux et toujours bien dosé. Quand on arrive à capter la sensibilité et la sincérité d'une mère dans un mélange des genres d'une maîtrise et d'une précision minutieuse qui force le respect. Quand on parvient à utiliser un monstre et toucher au fantastique pour l'utiliser comme prétexte dans un récit profondément politique anti-guerre qui s’attaque à la perte d’humanité et des conséquences qui en résultent. Quand on adapte une BD qui trouve tout son sens au vu de l'angle choisi face à cette rébellion massive contre un pouvoir en place. Quand on déploie pour Netflix un récit sur la consommation de masse et sur les questions que l'on devrait se poser.. Et bien l'arrivée de Parasite en 2019 est tout sauf une surprise.
Parasite Késako ?
Pour vous résumer brièvement, regardez simplement le trailer qui fait un boulot formidable sans en dévoiler trop et en donnant un bref aperçu de qui vous attend. Mais si comme moi vous préférez découvrir directement le Saint Graal directement au cinéma, sachez simplement que nous allons suivre une famille au chômage qui mise tous leurs espoirs sur le fils aîné qui se voit offrir l'opportunité de donner des cours particuliers d'Anglais à une lycéenne au sein d'une famille aisée.
Et c'est tout ce que je vais vous dire...
Pourquoi c'est bien
Tout simplement, parce que Parasite est grandiose de son ouverture à sa clôture, je dois en dire plus ? D'accord, il fait partie de cette rare catégorie de films durant laquelle le cinéphile qui fait partie de moi est ému aux larmes face à la virtuosité d'une réalisation qui ne cesse de se renouveler en s'adaptant constamment à son changement de ton. Le timing lorsque l'humour est mis en avant est irréprochable. La finesse avec laquelle les personnage sont filmés lors des moments les plus intimes accentuent leur humanité et leur vulnérabilité, la prouesse d'une caméra virevoltante au gré d'une bande son discrète, euphorisante, ou plus puissante lors des moments de tension font rêver. Bong Joon-ho choisi toujours avec soin l'équipe qui va donner vie à ses protagonistes, s'il retrouve le formidable Song Kang-ho, compère de toujours, le casting dans son ensemble est d'une justesse absolue, facteur nécessaire pour aboutir à ce résultat et pouvoir suivre les différentes vitesses de cette histoire qui ne contente jamais de reposer sur ses acquis mais va toujours plus loin dans une dimension inattendue.
Le Message
" Dis moi, je peux te poser une question, est-ce que j'ai ma place ici selon toi, je ne dénote pas du décor? " Simple question universelle face au ressenti d'un monde différent du sien.
Parasite n'est pas seulement un très beau film de cinéma, il utilise tout son savoir faire pour envoyer un message fort face à une fracture sociale qui se dessine depuis la nuit des temps entre les humains, les codes, et les gestes du quotidien naturels que l'on remet en question via nos 5 sens innés. Les métaphores mises en évidence via un simple plan sont plus parlantes que tous les monologues insipides auxquels nous avons souvent droit, la caméra qui s'arrête sur le regard de l'un des personnages assure une charge émotionnelle plus réelle qu'une scène tirée en longueur pour marteler le spectateur qui finit par s'agacer. Un tour de force qui ne cesse de s'étoffer durant ces deux heures et qui contribue à la fluidité du montage.
Parasite en réalité ne se lit pas, mais se vit, se ressent, se contemple, se savoure. Oeuvre merveilleuse qui se permet le luxe de déposer ses graines dans les genres les plus massifs du cinéma. Il y insuffle une vent d'une fraîcheur providentiel qui fait rapidement comprendre que nous sommes face à un très grand film qui sait exactement où il va avec cette histoire dont on ne ressort pas indemne.
Je fais souvent ce rêve étrange pénétrant d'un film inconnu que j'aimerai et partagerai et qui ne serait jamais ni tout à fait le même ni tout à fait un autre que j'aimerai et que je comprendrai. Paul Verlaine parlait d'une femme dans son rêve familier, je me suis réapproprié son poème en y adaptant le cinéma qui par ses coups de génie de ce style est vraiment la huitième merveille du monde...