Difficile d'aborder Parasite tant le film navigue adroitement à la frontière de plusieurs genres. Loin de la parenthèse Okja du film Netflix trop formaté, ou de l'adaptation un peu trop musclée et hollywoodienne du Transperceneige, Bong Joon-ho signe son retour en Corée avec un film brillant, palme d'or méritée tant il est maîtrisé et pourtant insaisissable.
Dans son rôle de chauffeur, Ki-Taek note à quel point il est important de prendre les virages en douceur alors qu'il bifurque sans faire déborder une seule goutte du gobelet de café de son passager pourtant rempli à ras bord. C'est l'image même de Parasite, celle d'un film extrêmement consistant et d'une densité scénaristique folle et qui transite pourtant avec une douceur incroyable entre différents styles. Qui d'autre que Bong Joon-ho est capable d'enchainer une séquence suivant les codes du thriller horrifique, d'enchainer sur un passage de comédie puis sur une scène de film catastrophe ? Ce mélange des styles permet au film de faire passer des messages de fond (satire de la bourgeoisie, message social...) tout en restant un excellent divertissement aussi drôle par moments que tendu à d'autres. La fluidité avec laquelle Parasite se déroule est aussi à mettre au compte des acteurs, tous excellents, dont la palette de jeu très large peut passer de la discrétion à l'hystérie (le personnage de la bonne) de façon remarquable.
Très loin des codes balisés des habituels films de festival, Parasite fait office de véritable lumière au coeur d'un sélection cannoise pourtant déjà alléchante. Espérons que la médiatisation du prix saura attirer les spectateurs dans les salles pour leur faire découvrir un réalisateur déjà reconnu de longue date par les cinéphiles mais trop peu connu du grand public.