Dans The tree of life, bouleversée lorsqu'elle apprend la mort de son enfant, la mère jouée par Jessica Chastain en venait à s'interroger sur l'existence d'une puissance supérieure qui aurait pu lui infliger une telle peine. S'ensuivait une réponse où on découvrait la suite d'évènements menant à cet instant du temps de la mort du fils, de la création de l'univers jusqu'à l'apparition de la vie. Voyage of time permet à Terrence Malick de proposer une version longue de cette cosmogonie qui lui est propre et qui sourdait déjà dans ses précédents films.
Depuis La ligne rouge, les personnages des films de Terrence Malick s'interrogent sur l'état du monde dans lequel ils vivent au travers de thèmes comme la guerre (La ligne rouge), la mort (The tree of life), l'amour (A la merveille) ou la vacuité de la vie (Knight of cups). Dans ces films, la réponse à ces questionnements vient d'une évocation d'une puissance supérieure qui n'est jamais clairement explicitée. On remarque tout de même qu'à chaque fois, il s'agit de remettre l'humain non plus sur une échelle anthropocentrée, mais sur l'échelle de la vie en général, en lui rappelant la place minime qu'il occupe dans l'univers (fascination envers le soleil, ou même plans de l'espace en ouverture de Knight of cups).
En ce sens, Voyage of time est peut être l'ultime leçon d'humilité que voudrait nous faire parvenir Terrence Malick avant de revenir à un cinéma plus classique. Le film rappelle de nombreuses fois 2001, ne serait-ce que par le long noir d'ouverture qui précède l'existence de toute chose. Ensuite, la création de l'univers provient d'un fracassement entre l'air, le feu, la terre et l'eau. Puis vient l'apparition de la vie, d'abord sous-marine, puis finalement l'apparition de l'homme. Cette dernière partie est très réussie et rappelle énormément 2001 (on notera un plan ou un homme préhistorique tient un os, juste après avoir tué un collègue). Un plan de coupe magnifique nous fait passer de la préhistoire aux folies architecturales de Dubaï et nous rappelle la rapidité de l'évolution de l'Homme comparé à l'évolution de l'univers dans sa globalité.
Voyage of time propose des images d'une qualité exceptionnelle et est donc à la fois un régal pour les yeux et pour l'esprit. La disparition complète des personnages pour ne laisser qu'une voix off s'inscrit dans une belle continuité de la filmographie Malickienne et fait écho à la plupart de ses précédents films. Bien que le film semble souvent assez impersonnel du fait qu'il s'éloigne autant de l'humain, et qu'il ne remplacera pas The tree of life au rang de film matriciel de la filmographie Malickienne, il est surement un film nécessaire qui apporte autant de réponses que de questions.
Il est peu de films qui arrivent à parler de la religion, ou plus généralement de la mystique du monde, sans être prosélytes ou s'en servir comme un simple prétexte de scénario. Voyage of time est de ceux-ci, et, en ça, est donc un film extrêmement précieux.