Avant de progressivement glisser vers autre chose, la Palme d'Or 2019 prend son temps pour exposer la place de la technologie dans cette famille qui peine à joindre les deux bouts. Le Saint WiFi a disparu, repoussant les individus dans les coins les plus merdiques (littéralement) de leur espace, afin de pouvoir investir celui virtuel de leur téléphone.
D'espace, il en est beaucoup question dans Parasite, Bong Joon-ho étant devenu un maître dans sa gestion. Autant celui des décors que du cadre. Dans son dernier film, investir l'espace, c'est se donner les moyens d'exister, et en 2019, on existe avant tout grâce à la technologie. En atteste le fils qui, suite à son accident, ne peut s'empêcher de rire face à la tragédie qui a frappée sa famille, jusqu'à ce que la réalité le frappe au travers d'un écran. On pense alors à cette scène un peu étrange où la bonne nous fait son imitation des informations Nord-Coréenne, autre lieu où l'image a remplacé le réel, ou encore à ce diplôme falsifié mais que la famille considère comme plus que vrai. Dans le monde de Parasite, l'hyper-réalisme propre à internet n'a plus rien de dérangeant, car il est devenu la norme.
Le vrai coupable du film ne serait donc pas tant la bourgeoisie, ou même le système de classe, mais plutôt cette technologie nous poussant à renier toute forme de nuance pour embrasser pleinement une conception de la réussite tout à fait superficielle. Au personnage du fils de briser cette mécanique en cherchant une réussite non plus basée sur une image superficielle de hiérarchie, mais en se donnant un but précis et empathique. La pierre qu'il appelle son ambition sera d'ailleurs laissée dans un cours d'eau, court instant de poésie où l'on comprend qu'on ne s'impose pas dans l'espace pour exister, mais on le laisse nous entourer.
Le sacre du film à Cannes en devient plus que bienfaiteur pour un film qui cherche à détruire tout sens de hiérarchie, autant sociale que artistique. Grâce à l'utilisation des genres de Bong Joon-ho, la cinéphilie n'est plus un espace réservé où le grand public est considéré comme un intrus occasionnel. De la même manière, si la famille du film est fondamentalement indésirable chez les Park, Parasite explose toutes les barrières afin d'offrir une oeuvre que l'on pourrait considérer comme universelle. Et comme elle vient de Corée, je me laisse le droit d'utiliser cet adjectif un peu stupide d'universel sans trop grande peur de faire preuve d'un esprit trop étriqué.