Comment reconnait-on un grand chef cuisinier ? C’est celui qui est capable de transcender ses aliments jusqu'à vous faire oublier que vous n’aimez pas le cabillaud ou les endives. N’importe qui ou presque peut vous faire aimer les pâtes au jambon si vous aimez déjà les pâtes et le jambon.
Fort de cette métaphore culinaire, j’en suis maintenant convaincu : Bong Joon-ho est un grand réalisateur et scénariste.
En effet, en lisant le pitch de Parasite (2019), je n’étais guère convaincu, et y suis allé presqu’à reculons. En le racontant à mes amis après l’avoir vu, je l’étais encore moins. L’histoire de Parasite, sur le papier, peine à m’intéresser. Et le genre du drame social est pour moi une pente savonneuse, prompte à faire glisser les films vers le chiant, le lourd ou le moralisateur. Et pourtant… Parasite est un film excellent. L’année dernière, Roma m’avait fait un peu le même effet.
Le scénario est bien rythmé et la réalisation parfaitement maitrisée, pour nous offrir des moments d’une rare intensité qui me firent imprimer mes ongles dans le velours des accoudoirs. La critique sociale y est subtile mais déchirante et n'empiète pas sur le déroulement de l’action. On y retrouve le grain de folie asiatique habituel, qui vient de personnages écrasés par des sociétés extrêmement formatives pétant des cables de manière d’autant plus spectaculaire. Ça tire parfois sur le policier, parfois sur le film d’horreur, parfois sur la comédie, parfois sur le drame, et c’est toujours un plaisir à regarder.
Si j’ai un reproche à faire au film, à part une ou deux longueurs anecdotiques, c’est une fin un peu trop tire-larme qui aurait du s'arrêter deux ou trois scènes plus tôt. Dommage, car sinon ça prend aux tripes.
Bref, l’histoire de Parasite ne paye pas de mine, mais ne vous y trompez pas : c’est une Palme d’Or haletante et méritée. J’ai une filmographie de plus à rattraper maintenant.