Le premier acte dure une heure. Un acte I atrocement long, mais posant des bases qui semblent solides, des personnages assez bien définis bien qu'un peu interchangeables, et un discours sur la quête de l'argent comme moyen d'exister en société plutôt convenu mais prometteur. Mais la Palme d’or va plus loin.
Le discours du film ne se réduit pas à la "quête de l'argent des riches", mais pour s'en rendre compte il faut chercher à lire le discours porté par les images et pas seulement par les dialogues. Pourtant ici les ficelles sont grosses pour dire la précarité, le mépris de soi des dominés, la perfection factice et la naïveté de la famille bourgeoise…
Sa mise en scène se calque au sujet, cohérente, facilement analysable, avec des travellings verticaux comme principal outil symbolique. L'ensemble du film est d'ailleurs plus ou moins contenu dans sa première séquence, puisqu'elle y présente l'enjeu thématique et les différents procédés qui lui permettront de se développer. La famille, d'abord placée tout en bas de l'échelle sociale, visiblement condamnée à la pauvreté, remonte à la surface et se réapproprie l'espace par son ingéniosité et son abnégation.
C'est d'ailleurs là que Parasite est le plus drôle, car si on a l'habitude de voir dans les films les pauvres dépourvus de moyens, gauches dès qu'ils sont propulsés dans l'univers des riches, ici c'est tout le contraire. Les pauvres arrivent à se fondre dans le décor, à épouser les codes de la bourgeoisie et à devenir de parfaits valets. Leur tâche étant facilitée par la fadeur et la crédulité du couple qu'ils arnaquent, Bong Joon-ho faisant preuve d'un cynisme savoureux dans le portrait qu'il dresse de cette bourgeoisie pathétique qui, même dans sa pratique sexuelle, fait peine à voir.
Ce n'est pas parce qu'il n'y pas de résolution du conflit, de prospective, de bienveillance que le discours porté par le film est faible. Au contraire c'est toute la justesse d'un long métrage pessimiste sur les rapports de classe. Pour ce qui est du scénario qui se retrouve dans de nombreux films en vérité. Chambre de la honte, ampoule parlante, manigance fruitée et carnets du sous-sol se donnent donc rendez-vous pour l’amour de l’arme blanche. Face à une telle légion d’acuité, autant dire qu’il est difficile de bouder son plaisir. Et pourtant, c’est à cet instant que « Parasite » trouve ses limites, puisque l’œuvre cultive tellement l’effet de surprise qu’elle finit par ne plus surprendre. À force de faire affaire avec la symbolique, Bong Joon-ho prive le film du réel, et vient la sensation que « Parasite » se complaît dans le bruit dans la simple idée. Difficile d’ailleurs de parler du film sans dévoiler nombre de rebondissements de l’intrigue, intrigue qui parfois tend à s’épanouir dans une limpidité embarrassante, notamment lorsque le film arrive dans sa zone de climax. En bref, « Parasite » a tendance à épuiser son propos, et gaspiller certaines de ses dernières munitions, même si ses balles perdues constituent toujours d’exquises friandises pour nos yeux.


Ca ne suffit pas à disqualifier un scénario, au contraire cette relance du scénario sert à merveille les effets du film. Et malgré ce programme clair, limpide, et sa réalisation évidente, le film n'est pas pour autant dénué de subtilité : au-delà du double jeu campé par la famille, on a, pour faire rebondir l'intrigue, des éléments plus fins qu'ils n'y paraissent, offrant la possibilité au métrage de ne pas être trop lourd. Le film est d’une précision chirurgicale et reste un morceau de cinéma qui réussit tout ce qu’il entreprend tant la profondeur de champ de Parasite s’avère vaste. De par sa mise en scène qui cloisonne parfaitement son espace pour faire de la maison où se passe la majorité du film un terrain de jeu glaçant et vertigineux, de par sa direction d’acteurs époustouflante et sa violence incandescente, Parasite est un bijou noir dont la drôlerie du scénario tranche avec la violence du proposIl parvient même à glisser des moments humains dans cette histoire, les personnages se voyant enrichis de nombreuses émotions contraires. Si il ne s’écarte donc pas des défauts récurrents au cinéma de Bong Joon-ho — à savoir un cachet démonstratif impropre à la suggestion —, « Parasite » laisse cependant sur une satisfaction totale.

SOFTWALKER
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le 22 juin 2019

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