Swiss Army Man a traversé l'année 2016 en collectionnant les prix mais surtout en sidérant public et critique à chaque présentation. Swiss Army Man est bien à la hauteur de sa réputation barjo.
Difficile de donner une idée juste de ce à quoi ressemble Swiss Army Man sans trop en dire, difficile de rendre justice à l'imagination du scénario sans gâcher le plaisir de suivre bouche bée ses improbables virages. Mais la meilleure surprise ici à l’œuvre, c'est aussi que l'ensemble ne se résume pas à une compilations wtf . Swiss Army Man est drôle, mais il est surtout très sérieux, parfois même carrément triste. Ambitieux et émouvant, le film demande et mérite d'être davantage pris au sérieux. Parce que ce film est un film sur la dépression, la solitude, le sentiment d’aliénation et le traumatisme, et qu’il parvient à traiter toutes ces questions sans que personne ne s’en rende compte.
On aurait pu craindre une certaine vacuité ou une propension à la masturbation intellectuelle mais fort heureusement, il n'en est rien.En effet, à travers cette bromance entre un cadavre en décomposition et un jeune homme dépressif, le métrage file la métaphore induite dans son titre (le cadavre est un outil de survie mais aussi un palliatif...), interroge la notion de folie, l'isolement des individus et la tendance pathologique de notre société à stigmatiser les différences des uns et des autres comme en témoigne un plan final en forme de gros doigt d'honneur au reste du monde et aux conventions.
On saluera aussi le jusqu'au boutisme d'une oeuvre qui se montre souvent hilarante et qui n'a pas peur de jouer avec le malaise du spectateur devant certaines scènes tout en le désamorçant habilement.
Servi par une mise en scène élégiaque, Swiss Army Man doit évidemment beaucoup à ses deux interprètes principaux : Paul Dano est excellent même s'il n'interprète qu'un " weirdo" de plus dans sa filmographie. Quant à Daniel Radcliffe, il arrive à émouvoir dans un rôle vraiment mais alors vraiment pas facile et qui constitue une forme d'aboutissement de tout ses efforts pour se débarrasser du personnage qui lui colle à la peau depuis son enfance.
En nous faisant rire sans nous méfier, ils nous emmènent ailleurs… Sur la solitude d’un homme efffrayé par le monde des Hommes. Car derrière cette histoire de dingue se développe peu à peu un point de vue bien particulier sur la fragilité masculine. Un sujet qui n'est quasiment jamais traité avec sérieux ou profondeur dans le cinéma. Le swiss army man du titre, c'est un homme-couteau suisse, un homme à tout faire idéal, capable de tout en toute circonstance. La leçon est d'une bizarrerie sans limite, et pourtant d'une bienveillance proprement bouleversante. Doublement sidérant.. Car l’amour n’est possible que lorsque l’on peut être vraiment soi-même, et quand quelqu’un parvient à vous aider à casser ce mur qui vous sépare de votre vrai moi, c’est le moment le plus puissant, le plus merveilleux d’une relation.Et c’est beau.
Mention spéciale au e travail photographique de Larkin Seiple, magnifique.