Le 100% coréen Bong Joon Ho est de retour au bercail. On ne présente plus ce cinéaste qui s’amuse à détourner des sujets d’actualité ou enterrés pour en faire un divertissement éducatif et politique. L’enracinement social est au cœur de cette aventure, ou encore cohabitation entre deux univers que tout oppose. Le réalisateur nous livre donc cette fable contemporaine, si métaphorique et pourtant très paradoxale, car la vie elle-même se caractérise en un parasite. Entre comédie dramatique et lutte des classes, on parvient à générer un thème visité et revisité. Mais le scénario, lui, sert la créativité dans la mise en scène, la composition et le cadrage. Depuis, « Memories Of Murder » ou « Mother », la réception publique et critique n’a pas été autant sujet d’engouement et de satisfaction. Il y a donc fort à parier que la Palme d’Or serait justifiée.
L’Homme est un parasite, c’est un fait, mais on ne le nuance pas d’entrée. On amorce la rencontre avec cette famille qui vit dans un gouffre, pour ne pas mentionner la misère. Il faudra alors une lueur d’espoir et un brin de subtilité afin que la famille Ki-taek s’offre un tremplin pour le luxe. Le premier acte dévoile ainsi avec habilité, les engrenages qui se mettent en place dans l’esprit familiale. On l’oppose à un désordre total chez une famille aisée et parfois trop crédule. Sans excès, on y croit à ces rebondissements et on soutient l’initiative. Mais est-ce aussi facile et sobre avec Bong Joon Ho ? Pas du tout. On reconnaît toujours un ton satirique dans ce qui se trame, mais la notion de l’étrange saisit complètement l’atmosphère. De ce postulat, il joue avec la nature humaine afin d’interroger plutôt que de répondre à ses problématiques. Et ce sera grâce à l’expérience inattendue du mariage de genres que le film trouvera son public, unanime devant l’absence de manichéisme. Les personnages s’affrontent donc dans le secret et transforment l’antre qui les nourrit en un no man’s land social.
On use alors de cadrage très vertical afin de justifier les rapports de force et de la profondeur de champ pour détailler la riche composition des décors intérieurs. Et en changeant d’environnement, on finit par saisir les conflits et les conséquences du chaos provoqué. Dans le fond, tout est inévitable. Nous avançons d’un point fixe à un autre, ce qu’on pourrait lui reprocher, mais en vain, sachant tout ce qui constitue l’ensemble du long-métrage. On distinguera que très peu d’échappatoire dans ce récit qui oblige pauvres et riches à s’affirmer. Inévitablement, la tragédie guette chaque ligne de dialogue, un certain acte révélateur passé. Et c’est cela qui entretient à merveille le suspens et l’efficacité du discours moral.
Finalement, qui est le « Parasite » ? Tout le monde, cache une part de cette caractéristique comme une odeur dans l’air, qu’elle soit réellement odorante ou bien métaphorique. On en prend le temps d’en rire, car l’humour distille correctement le sentiment d’empathie puis d’injustice qui s’emparera d’un dernier acte à la fois violent et lyrique. Or, tout cela fonctionnera uniquement avec un esprit vierge, venu en salle pour la surprise, pour cette « autre chose » que l’on guette lorsque le cinéma américain ou Européen sature nos yeux en paillettes. Virtuose de bout en bout, on ne regrette pas cette partie d’échec, ou l’esprit du sacrifice et de la mélancolie seront au cœur d’un procès claustrophobique.