Critique avec spoilers
Parasite est un concentré de genres. Le film présente deux familles : l'une prolétaire, rendue malicieuse par instinct de survie et l'autre aveuglée par son confort bourgeois. La première réussit à infiltrer la résidence de la seconde par un jeu de ruses qui élimine tour à tour les employés de maison. La famille pauvre, qui vivait dans un entresol plus bas que terre, plus bas même que ses propres toilettes, entrevoit alors la possibilité d'un avenir meilleur.
Une fois les mécaniques de narration huilées et le spectateur domestiqué, le film donne un coup de pied dans la fourmilière. Le retour d'une ancienne employée de maison met fin aux espoirs d'ascension sociale des personnages. Dès lors, la farce espiègle évolue en thriller. La précarité, prétexte des premiers ressorts comiques de l'histoire, devient source de conflits. Pendant que les Park jouissent en haut, les familles pauvres se déchirent en bas. Car ici, il n'est pas question de faire front commun pour renverser les classes aisées, mais de prendre leur place. En cela, Parasite est politique. Son propos révèle les limites d'un capitalisme exacerbé, qui poussent les faibles à s'opposer plutôt qu'à s'unir, rongés par la nécessité. Le film est une satire qui pointe un malaise social prégnant, celui d'un système pyramidal où la pauvreté est une fatalité. Qu'ils décident de faire preuve d'honnêteté, (les employés de maison du début) ou de ruse (la famille de Ki-Taek), les pauvres de l'histoire sont les éternels perdants du jeu capitaliste.
Dès cet instant, le décor mortifère est planté. Les travellings souterrains et les couloirs verdâtres font basculer le film dans le fantastique. On comprend que le fantôme vu par Da-song, n'est autre que le mari de la gouvernante. Sa vision traumatique est la manifestation d'un inconscient refoulé. Enfermée dans sa tour d'ivoire, la famille Park refuse de voir la misère en contrebas. Les théories de fantômes et les mensonges par omissions sont arrangeants. L'opulence dissimule la violence.
Pourtant, de l'autre côté la situation dégénère. Les efforts déployés par la famille de Ki-Taek sont réduits à néant par une inondation. La comédie du début semble lointaine, balayée par la crue. Cet énième coup du sort asséné à la famille sera celui de trop. L'anniversaire surprise organisé pour Da-song parachève le ressentiment du père à l'égard de la famille Park. Voyant sa dignité disparaître derrière un costume d'indien ridicule et son odeur critiquée, l'homme perd ses moyens. La crise n'a que trop duré et le fantôme du passé ressurgit, couteau à la main, pour mettre un terme à cette fête ostentatoire. Les personnages tombent comme des mouches dans un carnage burlesque à la Tarantino. La révolution populaire est la demi-conclusion de Parasite : les riches parviendront à s'enfuir et Ki-Taek hantera à son tour les lieux, laissant derrière lui une famille mutilée, qui passera sa vie à se reconstruire.
Grâce à son cynisme politiquement incorrect et sa capacité à puiser dans le cinéma de genre, Parasite se démarque des productions hollywoodiennes. S'il prend la forme d'une fable sociale, il réussit à ne pas tomber dans le piège du manichéisme (les gentils pauvres contre les vilains riches). Et prouve qu'on peut donner une coloration politique à un bon divertissement.