Bong Joon-ho, réalisateur de Memories of Murder, The Host et Snowpiercer, a pour principe de ne jamais se restreindre à un seul genre bien précis. Avec Parasite, il nous réserve son lot de surprises et de niveaux de lectures, avec beaucoup d'humour et de nombreux rebondissements. Le film s'impose d'office comme l'une des œuvres les plus maîtrisées, sur le fond comme sur la forme, de ces dernières années. Avec Parasite, le film de "home invasion" prend une toute nouvelle dimension.
Parasite est bourré de symboles et laisse la place à énormément d'interprétations. Quant à la mise en scène, elle est complètement au service du propos, à savoir la lutte des classes (thématique souvent abordée par Bong Joon-ho). C'est une critique de tous les niveaux de classe sociale, aussi bien la classe pauvre que la classe aisée, avec l'opposition riches-pauvres et pauvres-riches, mais aussi tout un propos sur l'opposition pauvres-pauvres. Les riches et les pauvres sont loin d'être manichéens et il n'y a aucune haine envers les riches. Les pauvres ne sont pas épargnés eux-non plus et seront d'ailleurs punis dans le film.
Bong Joon-ho ne prend jamais réellement parti pour dénoncer une classe sociale plus qu'une autre. Le film nous montre que tout le monde à un moment donné est un parasite pour l'autre (les pauvres pour les riches et les riches pour les pauvres). Les riches sont loin d’être diabolisés et les pauvres loin d’être encensés. Au début du film, on a beaucoup d'empathie pour cette famille aisée qui se fait arnaquer et la famille pauvre (une famille d'anti-héros) ne suscite en nous que le dégoût, avant que finalement les rôles ne s'inversent. Le film illustre un système mortifère pour tout le monde, un système qui fait de nous tous (riches ou pauvres) des victimes ...
La preuve étant que le père de famille riche meurt à la fin et c'est la jeune fille riche qui sauve le fils pauvre en le portant sur son dos.
Certes, la famille riche est méprisante, dénuée de compassion pour les classes inférieures, exploiteuse et vaine, mais au fond, l'accent n'est-il pas plus mis sur son ignorance que sur sa méchanceté ? Le machiavélisme est d'avantage montré du côté de la famille pauvre, certes pour un propos bien louable (avoir sa part du gâteau), mais l'échafaudage d'un tel stratagème les conduit eux-mêmes à faire acte de violence et les renvoient finalement à leur condition sociale initiale. Au final, le film nous explique comment les apparences sont bien trompeuses, parfois !
La mise en scène du long métrage est sans contexte inventive, pertinente et révélatrice d'une immense maîtrise de la part de Bong Joon-ho. Ainsi, la scène d'ouverture chez les pauvres est brillante, avec comme point d'orgue les WC qui sont placés en hauteur, au-dessus d'eux ... c'est dire à quel niveau sont les pauvres. Ensuite, il y a l'inondation de leur maison ou telle un fétu de paille, la famille des arnaqueurs est emportée par un courant impossible à combattre. C'est à ce moment là, qu'on réalise que quoi qu'il arrive, cette famille restera toujours au fond du gouffre. Idem chez les riches, les escaliers qui font passer les personnages d'une strate sociale a une autre, sont une représentation très concrète de l'écart entre les classes, mais la famille riche reste également bien aveugle sur ceux qui n'entrent pas dans le cercle de leur monde restreint.
Autre point fort du film, c'est la maîtrise dans la rupture de tonalité et rien d'artificiel ou de surfait dans tout ça ... ça jongle entre thriller, suspense, survival horror, comédie et drame. Le film mélange parfaitement les genres et on s'amuse des péripéties du scénario. En même temps, on n'oublie pas la violence du propos, avec cette fracture sociale qui nous ramène à la réalité. Le côté super malsain qui progresse au fur et à mesure du film installe le malaise chez le spectateur. On sent que quelque chose de terrible va arriver, mais on n'ose imaginer le pire.
Parasite porte définitivement bien son nom et mérite amplement sa Palme d'or à Cannes, la première décernée à un cinéaste coréen. Avec son film, Bong Joon-ho démontre une superbe gestion des espaces (qu'ils soient larges ou confinés) et une impeccable direction d'acteurs, au cœur d'une narration visuelle extrêmement riche et foisonnante. Parasite est une grosse baffe cinématographique, à ne rater sous aucun prétexte ... vraiment sous aucun prétexte !