Paris, Texas est le dernier film que j'ai vu dans une salle de cinéma avant le confinement. C'était début mars et j'ai pourtant l'impression que cela fait une éternité. Depuis quelque temps, j'avais comme politique de ne pas écrire au sujet des films anciens, tant mon activité était intense, et même si je voyais ces derniers sur grand écran. Mais vu que le contexte a changé, écrire mes impressions sur ce chef d’œuvre semble être devenu une bonne idée. Surtout qu'il est diffusé ce soir à la télé sur France 5. Et puis je me dis, quand même, ça a de la gueule d'avoir dit au revoir au cinéma avec un tel film.
Paris, Texas est un road movie se déroulant aux États-Unis mais entièrement pensé et conçu par des européens. Paris, Texas est une histoire d'amour aussi. Paris, Texas, surtout, c'est une authenticité viscérale. Il faut en savoir le moins possible avant de s'y plonger, pour se laisser hypnotiser. L'affiche mystérieuse avec la magnifique Nastassja Kinski suffit à elle seule pour fasciner celui qui la contemplera. Wim Wenders a été touché par la grâce et ce, malgré les difficiles conditions de production et d'écriture de ce film. Tout semble si vrai, et de là nait une émotion d'une puissance inégalable. Palme d'or unanime à Cannes en 1984, ce film est entré depuis dans la légende.
Paris, Texas est pourtant une histoire banale autour de gens banals. Mais Wim Wenders parvient à en faire quelque chose d'extraordinaire. Notamment avec le soin apporté à la réalisation, la photographie. Ces grands paysages désertiques du début, à ces espaces plus restreints de la fin. L'omniprésence de cette couleur rouge qui jalonne le film avant de laisser place peu à peu à des teintes plus sombres, pour terminer avec un bleu-vert crépusculaire.
Mais pourquoi ça marche ? Parce que Travis est interprété par Harry Dean Stanton qui n'aura jamais été aussi mutique avant de peu à peu revenir vers son humanité. Jane, elle, est campée par une Nastassja Kinski qui n'aura jamais été aussi magnétique et bouleversante. Des paysages américains qui n'auront jamais été aussi lyriques. C'est un rythme particulier, avec une élégante lenteur, ornementée par la musique sublime de Ry Cooder. Ce film présente des éléments qui permettront à chacun d'y trouver un écho dans sa propre vie. Que ce soit l'amour, la séparation, l'absence, la peine, les retrouvailles.
Les retrouvailles tout d'abord avec ce Travis perdu de vu depuis des années, qui peu à peu va se reconnecter avec sa vie, avec ses proches. Mais tout est mis en scène avec une si grande justesse que cela devient immédiatement réel. La banalité d'une virée pour retrouver l'être aimé devient ainsi une grande aventure, pleine de suspens et de tension, là où on sait que la logique scénaristique nous mènera forcément au but. Et Paris, Taxas, c'est ça. C'est une machine à transformer la banalité de nos existences en quelque chose d'infiniment précieux, et qu'on se met à chérir comme si notre dernier jour était arrivé.
Tout cela grâce à l'esthétisme impeccable de la mise en scène, une écriture sans faille mais surtout, des acteurs habités. Rarement le cinéma n'aura autant parlé un langage de vérité. Paris, Texas, c'est vous, c'est nous, c'est la vie tout simplement.