Cet obscur objet du périr
C’est un film bien étrange projet que ce Parkland. Ambitieux par sa modestie, il se voit traiter avec peu de moyen une des pages les plus célèbres et mystérieuses de l’histoire contemporaine américaine.
Fauché, un peu branque dans son rythme, jouant la carte du documentaire sans pour autant se dispenser des effets du film traditionnel (on pense notamment au recours assez grossier à la musique) il valse et hésite, ne cesse de révéler ses limites tout en déployant un discours propre.
Le premier principe est celui de la petite histoire : l’intimité des figurants de l’événement : le personnel hospitalier, Zapruder et sa femme, le frère et la mère de Lee Harvey Hoswald : tous se trouvent brutalement sous le projecteur sans avoir pu mémoriser leur texte, déstabilisés et tentant de trouver leur rôle dans l’actualité en marche.
Certains pourraient trouver comme mérite au film d’apporter des détails généralement considérés comme anecdotiques, mais qui, pour un événement de cette ampleur à même de provoquer toutes les dérives fétichistes possibles, se verraient porteuses de sens : la lutte pour garder ou non le corps à Dallas, les fauteuils d’avion qu’on dévisse pour rapatrier le corps, les petits enfants de Zapruder sur le début du film devenu mythique… On peut surtout y déceler une intention de mêler l’intime au général, le secret à la furie médiatique.
De ce fait, le découpage est plus malin qu’il n’y parait : les deux séquences en montage parallèle créent un réseau qui fait sens : alors qu’on perd le président sur le billard, on exhume le film qui révélera au monde son assassinat ; alors qu’on enterre L.H. Oswald, les services de police brûlent son dossier pour effacer les traces gênantes de sa présence dans leurs locaux. Dans cette optique, l’aspect déceptif du film semble assumé : son sujet primordial est bien celui de l’effacement : des vies, des corps, des preuves, des explications. Parkland, l’hôpital qui recevra successivement la victime et son assassin, ne pourra qu’acter des décès, tout comme le spectateur ne pourra que se contenter d’un embryon d’enquête, aux portes d’une Histoire condamnée à rester entrebâillée sur un corridor à l’opacité fascinante.