Pas comme des loups, ni comme des agneaux. Dans le documentaire du nantais Vincent Pouplard, les spectateurs suivent le cheminement des jumeaux Roman et Sifredi dans la Cité des Ducs. Une sorte de parenthèse hors du temps, où ils préparent leur repas exotique, composent leurs vers et cherchent à définir un monde et un système.
C'est à la première au Concorde à Nantes qui j'ai sauté le pas, comme une image. J'étais sage et attentive, face à ces jeunes dont les réponses sont plus philosophiques qu'un Descartes affrontant nos épreuves de Bac. Comment ne pas être touchée ? Ils progressent dans un espace-temps inconnu. Etant nantaise, je ne les ai même jamais croisés. Pas assez d'escalades, à l'évidence !
Avec le réalisateur et scénariste du film, j'apprends que cela faisait longtemps qu'il désirait aller au-delà des préjugés. Il trouve le moyen avec Sifredi, qu'il rencontre dans un atelier cinéma de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Rapidement un lien d'affection se noue entre le filmeur et les filmés. Cette affection, elle traverse le métrage de 59 minutes, et transparaît dans les interactions.
Pas comme des Loups est aussi un film sur Nantes, hors de Nantes. Les squatts, les bois, rien n'est spatialisé ou reconnaissable. Un documentaire également hors du temps. Après quatre années de tournage, avec des moments de pause, la temporalité est brouillée. Un aspect surréaliste pour des jeunes hommes bien réels, qui "ne seront jamais personne mais espèrent ainsi rester libres."
"Je ne serais jamais un mari, je ne serais jamais un boucher, un boulanger, je ne serait jamais personne." répètent-ils, assis sur un banc comme perchés dans la cime des arbres ou en équilibre sur les rails d'un train. Sans cesse, tout les appelle aux voyages.
Une rencontre, un documentaire
Le documentaire fait partie des films dont la pérennité est avant tout une histoire de chance et de détermination. Vincent Pouplard explique ainsi que c'est en fait l'histoire de rencontres, faites au bon moment.
Celle avec les jumeaux, avec le producteur Les films du Balibari et Vendredi Distribution, avec les Festivals, qui leur ont réservé un accueil des plus chaleureux. De quoi assurer à ces jeunes bohèmes en itinérance et jusqu'ici presque invisibles, un rayonnement et un tour de France.
Dans ce film, également, la volonté de se définir. Avec leurs cahiers, avec leur MP3, ces baroudeurs de langage rappent, slament, poétisent et pensent. Dans un flot ininterrompu d'idées et de recherche du bon mot. Au risque de perdre leur interlocuteur ou le spectateur qui se prend, à son tour, à s'imaginer libre de déclamer des rimes sur un voie de chemin de fer.
Direction un autre monde, croisé au quotidien.
Mon amour de cadré
Vincent Pouplard l'avoue, il les aime d'amour. Après presque quatre années, les liens ne peuvent que se nouer...mais alors, est-ce réellement un documentaire ? Non, le réalisateur assume parfaitement la subjectivité de son métrage. Sur chaque cadrage, chaque parole, il passe de l'autre côté de la caméra. Les adolescents s'adressent à lui, prennent la caméra, jouent parfois.
Mais au moins sont-ils représentatifs ? Après la première, ils devinrent les héros d'un certain nombre de spectateur. Applaudis, aimés, adorés, sublimés...représentés ? Au coeur de leur intimité il ne faut pas s'y tromper. Ce n'est que leur histoire, que leurs regards. Et le choix du scénariste de les illuminer eux, et pas un autre.
Une histoire rimbaldienne, une vérité sur pellicule, aux marges de Nantes.
Interview complète écrite par moi-même sur : http://www.lesonunique.com/content/culture-sortie-spectacle-7