On peut se demander quel est l’intérêt de refaire « La Chasse » en 2024, à une époque où les cas d’agressions sexuelles commises par des personnes de pouvoir ne sont désormais plus à démontrer, bien qu’ils soient encore trop rarement réprimés. Surtout que le film de Thomas Vinterberg avait au moins l’excuse de transformer son postulat en un thriller paranoïaque, au déroulement volontairement surréaliste, là où Pas de Vagues se veut plus réaliste dans le traitement de son sujet et de ses protagonistes. Or, pour ce faire, le réalisateur est obligé de tordre le réel pour mieux correspondre à sa vision droitière de l’éducation nationale. Et cela passe par une galerie de personnages complètement teubés, venus mettre des bâtons dans les roues de ce bel enseignant parfait sous tous rapports.
Citons pêle-mêle cette petite névrosée qui perçoit le comportement anodin de son professeur comme du harcèlement sexuel ; sa grosse brute de grand frère, incapable de raisonner 30 secondes pour comprendre le malentendu de la situation ; ce pleutre directeur d’école, qui laisse la situation s’envenimer par peur d’attirer l’attention du rectorat sur son établissement ; ces profs débiles qui se désolidarisent de leur collègue juste parce que celui-ci n’a pas voulu leur révéler son homosexualité, ou encore ces petites pestes qui « profitent de la situation » selon les dires d’une enseignante, pour saboter les cours de leur prof en montant les élèves contre lui, tout cela par pure « jalousie », car ce mec trop beau n’a pas voulu leur accorder l’attention qu’elles désiraient ?!
Tant de comportements idiots, apparaissant comme de grossières facilités d’écriture, visant à faire de ce prof parfait, la victime d’un système malveillant qui briserait toutes les personnes sortant un peu de la norme et ce, même si leurs méthodes d’enseignement s’avèrent bénéfiques sur le long terme. Sauf que ça ne fonctionne pas comme ça. Dans la réalité, le rapport de force est tellement à l’avantage du professeur, que ce dernier peut très bien abuser de son ascendant sur ses élèves. En tant que figure d’autorité, son comportement sera perçu comme légitime par ceux qui doivent se soumettre à ses directives, y compris les questions les plus intrusives, les remarques les plus dégradantes ou les allusions les plus déplacées. C’est à l’enseignant de se fixer des limites, parce qu’il faut un énorme courage à une élève, non seulement pour relever le comportement problématique de son professeur, mais aussi pour le rapporter à sa direction. Surtout si dans la vraie vie, on oblige la potentielle victime à affirmer ses accusations face à son potentiel agresseur. Désolé, mais je ne peux pas croire qu’une fille aille jusque-là pour des faits aussi insignifiants, tout comme je ne conçois pas que des élèves puissent à ce point nuire à un professeur aussi parfait, uniquement à cause d’un manque d’attention. Ça n’a juste pas de sens.
Pourtant, ce scénario serait adapté d’une histoire vraie que le réalisateur aurait réellement vécu alors qu’il était enseignant. Je veux bien le croire mais, soit il ne nous dit pas tout, soit il a une vision beaucoup trop autocentrée sur sa propre histoire, l’empêche de prendre en compte d’autres paramètres qui aurait permis d’apporter un point de vue plus nuancé et réaliste sur récit et sur le sujet qu’il englobe.