On va pas se mentir, la première demi heure est difficile. Entre le halo cheap autour du carré de Sabine Azéma et le salon vert bouteille, j'ai dû faire pause plusieurs fois et me faire violence pour continuer. Faut dire que j'étais restée sur mon souvenir bienheureux de On connait la chanson (et de Lambert Wilson trop sexy à play-backer Dutronc) et là franchement je ne comprenais pas du tout où Resnais voulait en venir. C'était juste long et chiant. Je me suis endormie. J'ai été chercher des céréales. J'ai encore mis en arrière ce plan que j'avais loupé. J'ai quand même trouvé Lambert Wilson sexy et Arditi couillon. J'ai tweeté que Lambert Wilson était sexy et après je me suis fait insulter. Sabine Azéma portait à même la peau un rideau de dancing. Tout était foutu.
Il a fallu la fin du premier "acte" pour qu'enfin ça me heurte : c'était pas une opérette.
C'était du Marivaux !
Il a fallu de rien, rien qu'un changement de décor et le renouvellement de la palette de couleurs, et bim - la dernière heure et quelques, c'est le même plaisir ténu qui nous tient quand on lit On ne badine pas avec l'amour. C'est la même construction d'intrigue qui nous fait savourer les quiproquos, apercevoir avec toujours deux coups d'avance le bout du tunnel, et attendre avec un bonheur d'enfant la fin que nous connaissons déjà tous, rien que pour s'exclamer "ha, j'en étais sûr". Les chansons deviennent plus intelligentes, plus modernes aussi. On perd le halo autour des actrices et la lumière baise d'un cran.
Plus le film avance, plus Resnais détruit le quatrième mur, plus il s'amuse avec les chansons, avec les couleurs, avec ses acteurs, pour finir en apothéose dans ce boudoir chinois, kitch au possible, à réconcilier enfin l'insupportable mauvais goût de l'image et l'élégance, la construction parfaite, et l'inventivité de sa narration.
Du Marivaux, je vous dit.