Soupçons
Paul Sanchez est revenu ! a tout du film policier français, du moins en apparence. Nous avons une brigade de gendarmerie du Var, prise avec les soucis quotidien des habitants. Nous avons le...
Par
le 2 mars 2019
27 j'aime
(Attention : ici ça spoile tout)
Mais pourquoi ce « Paul Sanchez est revenu ! », qui s’annonçait comme gentiment loufoque, m’a-t-il finalement donné envie de pleurer ?
Ce qui semblait absurde m’apparaît naturel maintenant, en pensant à ce léger malaise ressenti durant tout le film : après une telle succession de bourdes, de ratés, de pétards mouillés, il fallait bien décompresser ! « Paul Sanchez » c’est un film d’action enlisé dans un fossé : chaque fois qu’on sent l’intrigue prendre, ça se met à patiner pour retomber lourdement.
Les personnages rêvent d’élévation, mais sont désespérément lestés de quotidien. Didier Gérard, surplombant la départementale, atteint presque cette figure mystique de Paul Sanchez – la liberté absolue. Mais dès qu’il s’agit de se nourrir, la baie sauvage s’avère un piètre repas ; retour de bâton en un cut cruel qui condamne Didier à s’approvisionner en chips à la station-service… Sur l’instant, c’est un peu marrant – comme quand il galère à s’enrouler dans sa bâche – mais qu’est-ce que c’est amère…Voilà le burlesque triste. Quand l’aventure fait pschit et laisse place à l’humiliation.
C’est ce qui m’a touché, me rendre compte à quel point les personnages sont déçus de leur vie. Suffit d’entendre Didier Gérard – ce nom qui exprime tout par lui-même… Didier Gérard – écoutez comme il crache le mot « piscine », quand il avoue « Je vends des piscines », écœuré. Pas étonnant alors de découvrir, à la fin, qu’il habite dans une de ces maisons-blocs blanches, qui poussent partout dans les villes résidentielles. Elles m’ont toujours déprimé… Il y a quelque chose d’un peu pathétique dans ces habitations qu’on s’est faite construire, sans peut-être avoir les moyens ni le goût d’en faire de belles demeures... Et les découvrir finalement, après avoir cru à Paul Sanchez, provoque une telle déception… Et cette déception-là, c’était celle, quotidienne, de Didier Gérard, celle dont il a essayé de s’arracher, en vain. Voilà ce qui m’a bouleversé.
Comme le fait de le voir abattu alors qu'il était sur le point de le dire, peut-être. D’être abattu par une ultime projection, car tout le monde n’a fait que projeter durant ce film, fantasmer, se monter la tête. « Paul Sanchez... » est un cauchemar issu de notre soif de faits divers. C’est une tragédie qui prend ses racines dans l’ennui. Un poster affiché dans le bureau d’un policier l’annonçait d’ailleurs malicieusement : on y apercevait une soucoupe volante accompagné des mots « I WANT TO BELIEVE ».
Cela m’a rappelé l’une des « Histoire extraordinaires », cette émission de TV qui compilait des anecdotes paranormales : une famille jurait avoir vu un vaisseau spatial se poser à côté de la table champêtre où elle pique-niquait !
Il me semble que le cœur du film est là, qu’il travaille ce désir intense d’extraordinaire qui surgit du banal. C’est ce dont je me suis souvenu en repensant à l’époque de l’affaire de Ligonès : étais-je le seul à m’être demandé : « que faire si jamais j’aperçois de Ligonès ? » Et même : « vais-je l’apercevoir ? ». Patricia Mazuy capte ça ! Et ce désir était lié aussi à une attraction morbide. On attendait secrètement que France 2 nous diffuse les reconstitutions 3D macabres des événements, le détail des meurtres… Ce qu’on retrouve chez les policiers écoutant attentivement les coups de fils de « Paul Sanchez ». Enfin, il y avait aussi ce drôle d’espoir que de Ligonès soit toujours vivant. Avouons-le ! On l’espère, en fait ! Tout comme Marion espérait un autre Sanchez, qu’elle avait fantasmé. « Vous ne savez faire que ça, en fait, cracher des horreurs », se plaint la policière déçue.
De tout ce qui nous a remué dans cette affaire, Patricia Mazuy a fait un film.
Car elle a saisi à quel point était fascinante la manière dont ce fait divers a exalté nos désirs inassouvis d’aventure et de liberté. Voilà qui est triste.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 1 août 2018
Critique lue 882 fois
9 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Paul Sanchez est revenu !
Paul Sanchez est revenu ! a tout du film policier français, du moins en apparence. Nous avons une brigade de gendarmerie du Var, prise avec les soucis quotidien des habitants. Nous avons le...
Par
le 2 mars 2019
27 j'aime
Les premières images de "Paul Sanchez est revenu !" sont emblématiques : de la Provence, on ne voit que de laides constructions commerciales comme celles qui défigurent tout le paysage péri-urbain...
Par
le 1 août 2018
24 j'aime
4
Depuis 30 ans, Patricia Mazuy poursuit sa route loin des modes avec son cinéma singulier et original, de Peaux de vaches à Sport de filles, en passant par Saint-Cyr. Paul Sanchez est revenu ! ne fait...
le 18 juil. 2018
14 j'aime
4
Du même critique
Une certaine posture « Drôle d’objet ! » peut-on entendre en sortant d’une séance d’Under the silver lake. Pour sûr, les films comme lui sont rares, extra-ordinaires (au sens...
Par
le 25 juin 2018
10 j'aime
2
(Attention : ici ça spoile tout) Mais pourquoi ce « Paul Sanchez est revenu ! », qui s’annonçait comme gentiment loufoque, m’a-t-il finalement donné envie de pleurer ? Ce...
Par
le 1 août 2018
9 j'aime
3
À propos des lauréats ex-æquo du Prix du jury (Cannes 2019), par le prisme du festival de la Rochelle. Lire la critique sur Amorces.net Le festival de La Rochelle (juin) 2019, c’était une...
Par
le 20 nov. 2019
8 j'aime
1