Ah ce film ! Il a l'odeur de la peau de Pauline, la peau des vacances...
Derrière la sitcom d'une adolescente qui vit pour la première fois - et en miroir - ce que font "les plus grands", il y a ce poids mêlé de dialectique de la raison à propos de l'amour et de sa liberté, à ce point de la raison lorsqu'elle est tiraillée entre l'ennui provoqué par l'attente d'un autre et la passion épineuse et trouble. Rohmer a toujours su, pour moi qui n'ai pas la condition pour regarder ce cinéma, allier l'ordinaire à une poésie contemporaine, de sorte à prendre la quotidienneté pour l'élever... et surtout pour ne jamais prendre ses personnages pour des crétins finis, même si... ils le sont quand même. Tous leurs beaux atours, tous leurs jolis mots n'y changeront rien.
Pour dire simplement, il y a l'utile et l'agréable. D'un côté, l'utilité d'observer ce monde qui est notre miroir, avec ses codes plus ou moins tacites, les mimétismes d'une génération sur l'autre. De l'autre, la sensation toute mignonne de n'avoir assisté qu'à très peu de choses finalement. Ah ça, je comprendrais très bien qu'une personne me dise qu'il n'y a pas de différences notables entre une série d'AB Productions et Pauline à la plage. Il n' y en a pas, de mon point de vue, en ce qui concerne l'action. Le discours, lui, parfois très simple et confondant, a des fulgurances qui imposent
Rohmer, c'est à mon sens du cinéma socialiste. Il n'y a pas plus socialiste que ce cinéaste. Plus que Chabrol. Ou Clouzot tiens. Plus que... Otoniente ! Mais la classe ouvrière ne le regarde pas, son intelligence et sa conscience de classe se sont délitées avec le temps... D'ailleurs, utiliser la dénomination de "classe ouvrière" vous range illico dans les vieilles reliques. Il fut un temps, dans les années 60-70, où l'une des grandes fiertés du PCF était d'avoir éduqué ses ouvriers. On pouvait - il paraît - avoir avec certains d'entre eux des niveaux de discussions qu'on ne trouve guère plus que dans les classes (que je dénomine) "intellecturelles".
Il n'y a plus d'ouvriers et, en même temps, il n'y a qu'eux.
Rohmer, c'est un temps qui paraît révolu et, en même temps, un temps qui demande à revenir.
Bien que le film perde sa finesse avec le marivaudage autour de ce qui s'est passé dans la chambre d'Henry,
le discours autour du "dû sexuel", avec cette frustration à cran, par des éléments érotogènes des deux nanas (plage, maillot, nus) est aiguisé. Il sied à merveille pour l'avenir de Pauline qui découvre déjà sa capacité à envoûter les hommes et les feintes de coutume.
Nous aussi, oscillons dès l'été prochain entre le calme de la conformité et le chaos d'une innocence qui part comme une peau de vacances pèle...
Pauline, je t'aime !