La parole est d'argent, le silence est d'or !

Sous ce simple titre de Pauline à la plage se dissimule une analyse de tout ce qui peut tourner autour du sentiment amoureux. Il y a cinq personnages importants, chacun incarnant un trait caractéristique, à travers candeur, cynisme, jalousie, novice et lucidité. Bien sûr, je résume un peu grossièrement l'ensemble, donnant plus l'impression de parler du synopsis d'un potentiel Vice-versa 7 que d'un Eric Rohmer, mais ce n'est pas loin de la vérité.


C'est le troisième des six volets des Comédies et Proverbes du réalisateur, avec cette citation d'une phrase de Chrétien de Troyes, « Qui trop parole, il se mesfait ». Ce précepte n'est respecté que par un seul des caractères que l'on suit ici.


Le tout prend pour laps de temps une partie des vacances estivales d'une bientôt divorcée et de sa cousine de 15 ans (ça débute par un plan du portail de leur lieu de résidence durant cette courte période, juste avant leur arrivée, et se termine par un plan de ce même portail, juste après leur départ !) et pour toile de fond la Normandie en bord de mer. Durant l'intrigue, les adultes (ou presque adulte, en ce qui concerne novice !) vont se comporter comme des êtres immatures et Pauline, la cousine de 15 ans en question, pas encore décidée à entrer dans ce monde ridicule, en être mature. Voilà pour l'histoire, écrite avec la subtilité dont est capable le cinéaste, avec des dialogues sonnant authentiques (enfin, pour celles et ceux qui arrivent à les jouer !), par rapport aux personnages qui les disent.


Bon, point de vue défauts, pour le premier, c'est dommage que lors d'une séquence de petit-déjeuner, on a plus l'impression d'assister à une dinette qu'à un véritable repas, avec ses bols et ses tasses bien vides et propres que les acteurs font semblant de boire ou de manger (euh, ce n'est pas comme si, en plus, Rohmer était du genre à faire une centaine de prises, donc il aurait pu la mettre en scène plus rigoureusement, sans abimer la vessie ou l'estomac de ses comédiens !). Pour le second, Arielle Dombasle est nulle à chier (comme d'habitude !), alors que le reste de la distribution est très bon (y compris les tout jeunes Amanda Langlet, qui fera encore des étincelles, treize ans plus tard, dans Conte d'été du même réalisateur, et Simon de la Brosse, trop tôt disparu, dont c'étaient, pour les deux, leurs débuts au cinéma !). D'ailleurs, quand le personnage de Dombasle est absent durant une bonne partie de la seconde moitié, cela a été un soulagement pour moi, durant mon visionnage, car c'est une note discordante qui est momentanément retirée d'une belle harmonie de talents (j'en profite pour mentionner aussi les aguerris et impeccables Pascal Greggory et Féodor Atkine !). C'est fou comme le Monsieur était tout aussi capable de trouver l'acteur ou l'actrice parfait(e) pour un rôle que de se fourvoyer complètement.


Autrement, pour ce qui est de l'image, on voit bien que ce n'est pas un manche qui est à l'œuvre, parvenant, avec un ciel assez clair et ensoleillé, à faire ressortir du contraste et à exécuter un travail rigoureux sur les couleurs, en particulier sur le bleu, le blanc et le rouge (ce n'est pas pour rien qu'une copie d'une toile d'Henri Matisse, La blouse roumaine, est collée sur un mur lors d'une séquence qui ne passerait pas très bien aujourd'hui !) pour que le tout n'apparaisse pas plat visuellement. Ah oui, si vous vous demandez à qui on doit ce résultat digne d'éloges, c'est à un certain Néstor Almendros, qui a donné les plus belles photos, aussi bien en noir et blanc qu'en couleurs, chez Eric Rohmer et François Truffaut principalement, en France, et lors de quelques passages, plus que réussis, à Hollywood, emportant même un Oscar, totalement mérité, pour son magnifique travail sur Les Moissons du ciel de Terrence Malick. Ouais, c'est du très haut niveau... qui manque grandement au cinéma d'aujourd'hui...


En résumé, Pauline à la plage, c'est la combinaison d'une forme et d'une écriture aux petits oignons ainsi que d'un (quasi !) sans-faute pour l'interprétation. Bref, un bon cru rohmérien. Maintenant, je vais suivre le précepte de l'auteur de Perceval ou le Conte du Graal et éviter de trop parler, en achevant ma critique maintenant.


Plume231
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le 27 août 2024

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