De légers spoil


J’ai récemment acheté la trilogie du pauvre de Dino Risi en blue-ray que je voulais voir depuis si longtemps ! Et que dire ? Ce premier opus est un petit bijoux de la comédie à l’italienne !


Comme souvent pour les films italiens de la deuxième moitié de la décennie 1950, nous sommes à la frontière entre le néoréalisme et la comédie classique, l’âge d’or italien. C’est une période de transition pour le cinéma italien, qui voit se succéder ses deux plus belles pages l’une après l’autre. Les thèmes néoréalistes sont tous repris, mais traités avec beaucoup plus de légèreté, peut-être avec moins de virtuosité cinématographique, mais avec une folle énergie, et une incroyable écriture.


A la différence du néoréalisme par contre, les enfants ne sont pas traités, comme c’est souvent le cas pour les films néoréalistes (dans Sciuscia par exemple, ou encore Les Enfants nous regardent ). Dino Risi traite de la jeunesse, une jeunesse insouciante, provocante, et qui veut vivre, après les années traumatisants de la guerre et de la décennie qui s’est ensuite écoulée. Et c’est ainsi que l’on suit ces deux jeunes gens, pauvres certes, mais beaux parce qu’ils vivent ! Ils vivent, mais ils sont en vérité infects, et il y a un côté très théâtral tout au long du film, un film qui enchaîne les sketchs, les gags, les situations cocasses, les tartufferies… On se croirait dans une pièce de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro notamment) ou encore de Marivaux (Le jeu de l’amour et du hasard ), le film est bourré de comique de situation dont les deux dramaturges français avaient le secret ! Ces deux ados qui courent après la même fille, et elle qui se joue tellement d’eux, qui utilise son pouvoir féminin, c’est assez jouissif ! Car oui, ce film expose aussi à quel point les femmes, quand elles usent de leur séduction, ont on pouvoir dévastateur sur les hommes. La femme fatale !


Je ne peux m’empêcher de croire que ce genre de film a beaucoup inspiré Ettore Scola par la suite. Déjà pour Nous nous sommes tant aimés ! , qui reprend aussi ce thème incroyable du pouvoir d’une femme fatale sur les hommes, des hommes qui ne cessent de tout faire pour affaiblir leur concurrent direct, mais Scola le fait avec beaucoup plus de virtuosité. Mais je pense aussi à Le Diner , où Scola nous expose une femme qui invite au même restaurant, le même soir, à la même heure, tous ses amants (qui n’étaient bien sûr par au courant du caractère… libertin de cette femme). Cela donnait des situations hilarantes, ce qui est également le cas ici, ça pourrait presque faire penser à du Billy Wilder parfois, toute cette cocasserie !


Mais ce film, c’est aussi celui d’une époque. Dino Risi filme la transition d’une génération traumatisée par la Seconde Guerre mondiale vers une génération beaucoup plus arrogante, insouciante et qui veut vivre ! Car ce film est terriblement vivant. Et dit beaucoup de chose sur son époque ; j’aime beaucoup le moment où deux vieilles femmes de l’ancien temps se rendent dans la boutique de disque de l’oncle de Romolo, et qu’elles lui demandent de passer une musique gaie… Celui-ci répond que cela ne se fait plus maintenant, qu’elles ne sont plus dans le coup, c’est une scène assez triste je trouve, mais assez juste, c’est vrai que spontanément nous sommes plus touchés par des musiques pleines d’émotions, et parfois tristes donc (en témoigne la fascination que nous avons pour certaines musiques de film - même si heureusement, elles ne sont pas toutes remplies de tristesse). La scène du « faux » suicide de Salvatore aussi est incroyable, quand on veut l’accuser de son propre meurtre, on plonge directement, l’espace de trois minutes, dans un monde totalement kafkaïen.


Bref, une comédie hilarante, des situations absolument géniales et jouissives… Mais surtout, ce film de Dino Risi représente un point précis d’une époque : celle de la transition du traumatisme de la Seconde guerre mondiale vers l’insouciance de la jeunesse italienne, surtout lorsqu’elle est pauvre… Et ce point se matérialise aussi dans l’histoire du cinéma italien : c’est le passage du néoréalisme vers le cinéma classique de l’âge d’or, une oeuvre à la frontière entre les deux plus moments de cinéma du pays.


Film transitoire magnifique.

Reymisteriod2
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le 9 mars 2019

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Reymisteriod2

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