Thorsten Merten, dans le rôle d'un metteur en scène dépêché dans une petite ville du nord de l’Allemagne de l’Est à la fin des années 80 pour animer une petite troupe de théâtre, est parfait. Son regard de cocker triste, sa coupe de cheveux dans le même ton, sa démarche hasardeuse, ses hésitations maladroites (dans un premier temps, du moins) : le personnage est exceptionnel pour faire passer le message du film et passer outre ses aléas de téléfilm allemand. Entre les débuts plein d'entrain, fort d'une solide motivation pour réactiver le minuscule théâtre local déserté, et ce final profondément mélancolique sonnant comme un aveu d'échec ou d'impuissance, le raz-de-marée de la chute du mur de Berlin aura fait des ravages.
À travers la démarche de recherche artistique du protagoniste, "Stilles Land" illustre sous forme d'allégorie une certaine quête existentielle, une certaine perte de repère. Les dissensions sont légion au sein de la troupe bigarrée dirigée par Thorsten Merten, et si l'essentiel des problèmes est traité sur le ton de la comédie, il y a toujours en toile de fond ce désenchantement si caractéristique de la fin des années 80 en RDA. Quelque temps avant l'automne 1989, déjà, beaucoup passaient à l'Ouest. Une circulation d'êtres humains on ne peut plus indéfinie et presque tue. L'espoir est omniprésent, un temps durant au moins, avant d'être déçu et de laisser place à la désillusion. Andreas Dresen s'attache à dresser un portrait double, celui de la troupe de comédiens et celui de la réunification (qui correspond avant toute chose à l’effondrement d'une partie), dans un même mouvement de basculement teinté d'incertitude. On peut croire pendant un moment à cette effervescence artistique porteuse, mais cette période d'attente optimiste sera de courte durée.