Pearl
6.6
Pearl

Film de Ti West (2022)

Telle une star, Pearl s’est faite attendre. Comme pour X, elle a pris le temps de sortir dans nos salles de… Bah non. Je nourrissais le secret espoir que le préquel de X soit aussi diffusé sur grand écran. Finalement, c’est en VOD que Pearl débarque en France.


Au commencement


Nous sommes en 1918, la première guerre mondiale et la grippe espagnole dévastent le monde, alors que Pearl (Mia Goth) rêve de quitter la ferme familiale pour briller sur les planches de Hollywood.


L'âge d’or ingrat

Pearl s’ouvre comme X avec un travelling avant sur cette maison isolée, sans son aspect macabre. L'œuvre est construite comme les classiques des années 30 à 60, du Magicien d’Oz (1939) à La Mélodie du Bonheur (1965), en passant par Une Étoile est née (1965). Telle Judy Garland, Pearl danse et chante devant les animaux de la ferme, avant que son sourire de façade se fissure (une minute de silence pour Goose).


Pearl est une jeune femme comme les autres. Elle a des rêves plein la tête, dont celui de devenir une star de cinéma. En attendant que son rêve se réalise, elle se rend dans la salle de cinéma de sa petite ville pour fuir sa réalité. Elle se projette à l’écran, se voit en train de danser, de brûler les planches devant des millions de spectateurs. Elle tombe sous le charme du projectionniste. Il lui fait des promesses puis corrompt son esprit avec de la pornographie. Un esprit qui ne demandait qu’à se craqueler pour donner libre cours à sa violence aussi refoulée que sa sexualité.


Famille, je vous (h)aime


Pearl réside dans une ferme avec ses charmants parents. Une mère dictatrice, qui infuse la peur des hommes, du sexe, du monde et de ses maladies dans l'esprit de sa fille. Un père impotent qui n’est plus qu’un objet parmi tant d’autres dans cette demeure austère où la voix d’un prêcheur, provenant d’un téléviseur constamment allumé, empoisonne les esprits.


Pearl est une femme mariée. Son mari est parti à la guerre. Elle est sans nouvelles. Une absence qui ne fait qu'accroître sa frustration. Une frustration qui est aussi accentuée par Mitsy, sa belle-sœur bourgeoise, issue tout droit de La petite maison dans la prairie, qui a épousé le “bon” mari.


Dans ce contexte familial et marital, Pearl tente de trouver des échappatoires. En dehors de la salle de cinéma, il y a cet étang proche de la demeure familiale où erre Theda, un alligator. Un animal de compagnie particulier, qui ne fait que confirmer le fait que nous sommes en présence d’un esprit dérangé, susceptible de basculer dans la démence à la moindre contrariété.


Finalement, Pearl est trop sensible. Elle veut juste être aimée. Elle a peur d'être abandonnée et de se sentir rejetée. Dans le dernier plan final, Pearl exprime toutes ses émotions dans un moment saisissant et inoubliable.


American History XXX


L’Amérique et son puritanisme, c’est une grande histoire d’amour débordant d’une dégoulinante hypocrisie. La pornographie est omniprésente dans la société, que ce soit au cinéma, dans la musique où la publicité. Elle fait vendre et dans un pays dévoué corps et (sans) âmes au Dieu Dollar, c’est un marché tellement lucratif que ces chers.res américains.es ne peuvent composer sans le sexe, tout en jetant l’opprobre sur lui. Un discours paradoxal que Ti West pointe du doigt dans X puis dans Pearl.


Dans l’imagerie populaire, le X symbolise la pornographie. Il a d’autres significations comme l'emplacement où doit se positionner un acteur.trice pour une audition puis lors d’un tournage, ainsi que le facteur X qui peut faire la différence pour devenir une star. Pearl aspire à suivre cette voie mais son physique ne correspond pas aux canons de beauté, à savoir blonde aux yeux clairs comme cette p*** de Barbie. Son rêve se désagrège comme le rôti de porc sur le perron de la demeure familiale.


A sa manière, le film déroule une certaine évolution du cinéma, de la comédie musicale, à l’avènement de la pornographie sous le manteau, en toute clandestinité. Deux visages d’une Amérique puritaine, frustrée par ses interdits et qui va finir par les assouvir Derrière la Porte Verte (1972).


Jamais deux sans trois


Pearl surpasse X. Le préquel se montre plus insidieux dans le basculement de son héroïne dans la folie avec une montée de la violence qui se révèle jouissive. On espère que MaXXXine se révèle aussi efficace pour clore en beauté la trilogie de Ti West.

easy2fly
7
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le 8 juil. 2024

Critique lue 14 fois

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Laurent Doe

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