(...) Évidemment, mieux vaut en savoir le moins possible pour apprécier au maximum la surprise que constitue le film. Mais il faut comprendre que les différentes scènes qui constituent PEPI, LUCI, BOM ET AUTRES FILLES DU QUARTIER ont toujours un rapport particulier au sexe, ou plus précisément au plaisir. Comment le donner, comment le recevoir. Par qui, pourquoi, combien de temps ; un thème somme toute tabou, mais toujours d’actualité. Pedro Almodóvar , dès ce « premier » film impose un style et une façon de filmer, une liberté de ton.
Déjà, formellement, Pedro Almodóvar ne s’interdit rien. Bien qu’apparemment limité par les moyens, la liberté éclate dans chaque plan.
Pas techniquement toutefois. Le film est clairement moche, mal éclairé, mal sonorisé (bien que la musique estampillée 80’s résonne étonnamment actuelle). Il faut le voir comme un premier film typique ; celui d’un réalisateur qui n’accorde pas encore autant d’importance à l’esthétique qu’au fond.
Non… Cette liberté transparaît plutôt dans le ton donné au film !
Le décor est par conséquent aussi vivant que ses héroïne ; transmet un état d’esprit, une époque, une manière de vivre, inédits. Cela passe par une représentation singulière de Madrid – ses extérieur (des rues madrilènes, des bars underground gays), ou encore, les intérieurs, tous plein de personnalité, des différentes « femmes du quartier ».
L’esthétique globale est ancrée dans les années 80. Mais bizarrement, elle ne parait ni datée ni ringarde, au contraire en adéquation avec la liberté de ton et la mise en scène.
Par son rythme ensuite : Pedro Almodóvar ne s’encombre jamais de développements complexes et préfère toujours montrer cause et effets, plutôt qu’explications.
Les ellipses sont nombreuses et brutales. Les scénettes hors sujet également… Qu’importe ! Tout cela constitue un maelstrom sensitif, social et existentiel qui finit par nous immerger dans un quotidien inédit, parfois fantasque, parfois ultra-réaliste. Un quotidien ou les femmes, plus que d’être le sujet, sont aussi la moelle, le cerveau, la chair, le corps du film. Les rôles sont donc inversés : les femmes dirigent, pensent s’expriment.
Car Pedro Almodóvar raconte avec PEPI, LUCI, BOM… une histoire de femmes.
Et pas qu’en surface : le réalisateur semble avoir véritablement compris les préoccupations de ces filles, mais plus généralement de la femme espagnole des années 80 : Comme l’indique le titre, plusieurs femmes y sont présentées. De Pepi, femme libre, imaginative à Luci & Bom la jeune et la quarantenaire, la dominatrice et la soumise ; la femme à barbe insatisfaite, la voisine dévote mais pas contre une petite baise rapide… Almodóvar nous présente un éventail large de pensées et réflexions féminines, qui, loin d’être anecdotiques, finissent par briser un des tabous du cinéma : la recherche et l’obtention du plaisir.
Comme si Pedro Almodóvar s’était donné pour mission de débrider le plaisir féminin, avec toute la violence qu’un tel geste entraînerait. Il est impressionnant de constater la modernité d’une telle entreprise (...)

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le 13 oct. 2014

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