Le premier long métrage de Pedro Almodóvar est une œuvre brute et chaotique, qui marque le point de départ de sa carrière en tant qu'auteur singulier dans le cinéma espagnol. Réalisé en 1980, au lendemain de la dictature franquiste, le film incarne une déclaration d'indépendance artistique et culturelle, inscrivant Almodovar comme une figure centrale de la Movida madrilène.
Le film, tourné avec des moyens dérisoires, embrasse une esthétique punk faite de décors de fortune, de cadrages approximatifs et d’un montage éclaté. Cette apparente maladresse devient son langage propre, traduisant l’urgence de créer, de revendiquer une spontanéité qui défie les codes d’un cinéma jusque-là corseté par des décennies de censure.
Mais cette liberté formelle n’est pas sans heurts. La structure narrative, éclatée et chaotique, me laisse désemparé, en quête d’un fil rouge dans ce tumulte. Les personnages, archétypes d’une époque en quête d’excès, peinent parfois à dépasser leurs caricatures. Leur manque de profondeur, tout comme l’accumulation de provocations gratuites, crée une distance là où l’intention semblait être une communion avec l’audace.
Almodóvar signe ici une œuvre anarchique, volontairement irrévérencieuse, un laboratoire d’idées plus qu’un récit abouti. Si l’énergie débordante du film séduit par moments, elle fatigue, laissant parfois une impression d’amateurisme. Un premier jet de génie encore en gestation, qui annonce, malgré ses imperfections, la naissance d’une voix singulière dans le cinéma mondial.