De La Iglesia nous livre ici un road-movie complètement barré, qui fait penser à du Bonnie and Clyde gonflé aux amphétamines où le sexe appelle la violence et vice-versa (du Tueurs nés espagnol pur jus, mais avec plus de cul et sans le sous-texte sur l'origine environnementale de la violence, et donc davantage premier degré sans une once de moralisation). Le scénario est foutrarque et nonsensique mais totalement jouissif, rythmé par les braquages, la sorcellerie noire, et le kidnapping de deux jeunes adultes qui vont apprendre la vie auprès de leurs deux démoniaques ravisseurs (j'adore la manière dont ils perdent leur innocence...). Ainsi, ce qui pourrait être un défaut dans le mélange des genres (western, road movie, horreur, comme Devil's rejects) et l'enchaînement chaotique des séquences (souvent réjouissants sur le papier mais bancals au final), paraît ici être une qualité, tant ces influences sont assumées et servent la folie psychotique de ses deux personnages principaux, ainsi que la générosité et l'humour féroce du réalisateur hispanique (ah, le gimmick de l'accident de voiture du flic qui les pourchasse !) qui s'applique à faire tomber tous les tabous pour le plaisir du spectateur.
La réalisation nous gratifie ainsi de belles ambiances particulièrement réussies et malsaines, surtout la séquence de vaudou où les victimes sont dévorées au cours du culte devant un public en transe, poisseuse à souhait avec moult détails sataniques. Et le réalisateur savait déjà superbement filmer et diriger ses actrices, en nous régalant ici de séquences torrides qui cassent le verrou de la censure. Rosie Perez livre en effet une interprétation démente, une vraie garce nymphomane et dangereuse qui se prend progressivement d'affection pour l'inquiétant Romeo. Ce dernier est incarné par un Javier Bardem imprévisible et aux multiples atours, dessinant l'intrigue au fil de ses envies et créant donc un véritable malaise à chacune de ses actions. Certes, ce film n'est peut-être pas aussi maîtrisé que les oeuvres à suivre de l'espagnol (un paradoxe pour ce type d'histoire énervée, mais c'est tout un art de gérer le chaos, et il en fait parfois trop au risque de lasser). Mais c'est rare ce genre de bobine où on se permet presque tout, sans oublier d'insuffler un peu d'émotion dans ce qui devient une histoire romantique atypique et rock'n roll. Un idéal de cinéma dans le fait de nous attacher à deux personnages à moitié fou sans nous faire la morale