( Petite critique d'époque exhumée à l'occasion de la sortie de Sisu - De L'Or et du Sang)

Noël approche et quoi de mieux pour célébrer la venue du gros monsieur habillée de gros rouge qui tâche et de blanc sec que d'emmener toute sa gentille petite famille au cinéma pour voir un joli conte de noël. Les petits enfants pas toujours très sage seront ravis de découvrir les origines du père noël et de sa légendaire bonhomie avec Rare Exports a Christmas Tale de Jalmari Helander qui sort à point nommé une petite semaine avant l'overdose de foie gras et de cadeaux.

Père Noël Origines se situe donc dans le grand nord du coté de la Finlande ou des scientifiques ont décidés d'exhumer la tombe du père noël. Le seul petit soucis c'est que le père noël n'est pas tout à fait à l'image du gros personnage popularisé par Coca-cola et qu'il va se révéler bien plus proche de la dangereuse créature mythologique que de l'image lisse de publicité.

Le film de Jalmari Helander est une très belle surprise mais je ne suis pas certain que le film va mettre en joie toute les familles qui iront le voir sans trop savoir à quoi s'attendre. Père Noël Origines est un conte finalement assez sombre qui prend un malin plaisir à détourner toute l'imagerie un peu guimauve des contes de noël made in hollywood. J'imagine déjà avec un sourire béat les commentaires outrées de mères de familles sur allociné qui pensaient se retrouver devant une production bien crétine type Super Noël ou Elfe et qui vont devoir faire face aux flots des questions de leurs chères têtes blondes. Et pourquoi les elfes ce sont des vieux messieurs tout nus ? Et il est vraiment méchant le père noël ? Et maman je peux avoir un fusil comme les garçons du film ? Il faut dire que le film de Jalmari Helander tord le cou de manière jubilatoire à toute l'imagerie d'Épinal du conte de noël. Les zolis paysage enneigés sont ici remplacés par d'immense étendus vides et glaciales, les rennes ne volent pas dans le ciel mais se font éventrer dans la neige ou dépecer à l'abattoir, les repas de fête sont de sordides face à face entre un père solitaire et son fils mort de trouille et les lumières ne sont que de pauvres guirlandes tendues entre deux baraquements. Mais c'est l'image même du père noël qui prend les couleurs les plus sinistre avec cette figure cornue de père fouettard venant corriger, voir dévorer les enfants pas sages, soit l'immense majorité des gosses qui par définition ont toute l'innocence nécessaire pour faire des bêtises. Du coup le jeune héros du film attends le père noël avec angoisse dans une armure confectionné de bric et de brocs. Le film pointe même du doigt la pression psychologique avec laquelle on assomme souvent les enfants sur le registre : "Attention si tu n'es pas sage le père noël ne viendra pas... " Jubilatoire également l'imagerie des elfes qui sont ici des vieillards qui se trimballent la bite à l'air dans la neige en protégeant leur maître avec une violence assez radicale. Incontestablement Jalmari Helander signe avec Rare Exports l'un des contes de noël les plus tordus qui soit.

Pourtant le film est loin d'être totalement sinistre ou même effrayant et reste sur un registre de fantastique adulte à la portée des gosses ou l'inverse. Toutefois je sais pas si je conseillerais aux plus jeunes les visions de ces elfe nus guettant comme des fauves dans la neige ou encore la scène relativement tendue et éprouvante de l'interrogatoire de l'elfe dans l'abattoir. Père Noël Origines est un conte finalement assez adulte qui finira par dénoncer avec force et véhémence la marchandisation de tout y compris des mythes et de l'imaginaire. On domestique la brutalité des légendes, on poli les aspérités des contes, on gratte les tâches sur les pages des mythes pour vendre des produits inoffensifs qui feront rêver des gamins dans des cercles purement commerciaux. Pourtant en sortant du film et si à l'occasion on venait à croiser un père noël de supermarché, il serait difficile de ne pas penser qu'il s'agît peut être d'un elfe à poil du grand nord domestiqué. Le film de Jalmari Helander n'oublie simplement jamais qu'il existe une part d'ombre dans chaque exposition de lumière et que les contes sont souvent à la base des histoires absolument monstrueuses. Père Noël Origines est donc un vrai coup de cœur car au delà de ses aspects les plus sombres et de son regard sur la mascarade commercial de noël il est avant tout un très joli film parfaitement maîtrisé et rempli de jolis moments magnifiés par une superbe photographie. Il faut également saluer la performance du jeune Omini Tomilla d'une justesse à toute épreuves en gamin prêt à en découdre avec le père noël (on pense parfois à Alain Musy dans le très bon 3615 Code Père Noël). Si le film fait souvent penser aux productions Amblin des années 80 il n'en demeure pas moins solidement ancrée dans une culture nordique qui l'autorise à des audaces qui feraient sans doute fuir l'immense majorité des exécutifs d'Holywood car ce n'est pas chez Spielberg ni même Joe Dante qu'on verrait une horde de vieux crasseux crasseux courir les couilles au vent du nord après un gamin de moins de dix ans.

Jalmari Helander pense déjà à donner une suite aux aventures de ses elfes domestiqués en père noël en racontant leurs aventures aux quatre coins du monde. On pourrait même imaginer (pur fantasme de geek) qu'il puisse confier les aventures à un réalisateur local et différent pour chaque pays avec pourquoi pas Balaguero pour l'Espagne, Christopher Smith pour l'Angleterre, Soavie pour l'Italie, Thomas Alfredson pour la Suede, Jamie Blanks pour l'Australie, Gaspar Noe pour la France, etc etc... Mais trêve de purs spéculations et retour à la réalité pour affirmer une nouvelle fois que ce Père Noël Origines est excellent

Père Noël Origines est donc définitivement un gros coup de cœur, un film à la fois sombre et lumineux, intelligent tout en restant ludique et un sérieux retour aux sources d'une mythologie devenu un bazar commercial dans lequel prônent fièrement des icônes publicitaires. Le film de Jalmari Helander n'est sans doute pas le plus clinquant, le plus scintillant ni le plus mignon des contes de noël mais c'est sans aucun doute le plus féroce et le plus jubilatoire.

Créée

le 9 juil. 2023

Critique lue 32 fois

2 j'aime

2 commentaires

Freddy K

Écrit par

Critique lue 32 fois

2
2

D'autres avis sur Père Noël : Origines

Père Noël : Origines
Citizen-Ced
7

Le vrai esprit de Noël, c'est le capitalisme sauvage

Vu le pitch barré et le lamentable titre français, je m'attendais à un gros nanar parodique, catégorie film d'horreur. Faux sur toute la ligne : Rare Exports est un "vrai" film, par là j'entends que...

le 12 nov. 2012

19 j'aime

1

Père Noël : Origines
Colqhoun
3

Critique de Père Noël : Origines par Colqhoun

Après 2 excellents courts-métrages (Rare Exports Inc (2003) et Rare Exports: Official Safety Instructions (2005)), l'équipe des Rare Exports, forte d'un succès d'estime international et d'une...

le 21 janv. 2011

11 j'aime

1

Père Noël : Origines
Gand-Alf
7

Attention fragile.

Derrière cette traduction française à la masse, ce cache en fait "Rare export", version longue de deux courts-métrages datant de 2003 et 2007. Véritable bête de festival, le film de Jalmari Helander...

le 25 déc. 2012

9 j'aime

Du même critique

Orelsan : Montre jamais ça à personne
freddyK
8

La Folie des Glandeurs

Depuis longtemps, comme un pari un peu fou sur un avenir improbable et incertain , Clément filme de manière compulsive et admirative son frère Aurélien et ses potes. Au tout début du commencement,...

le 16 oct. 2021

76 j'aime

5

La Flamme
freddyK
4

Le Bachelourd

Nouvelle série création pseudo-originale de Canal + alors qu'elle est l'adaptation (remake) de la série américaine Burning Love, La Flamme a donc déboulé sur nos petits écrans boosté par une campagne...

le 28 oct. 2020

55 j'aime

5

La Meilleure version de moi-même
freddyK
7

Le Rire Malade

J'attendais énormément de La Meilleure Version de Moi-Même première série écrite, réalisée et interprétée par Blanche Gardin. Une attente d'autant plus forte que la comédienne semblait vouloir se...

le 6 déc. 2021

44 j'aime

4