L'Australie : une plage de sable blanc, une mer d'un bleu profond et 2 petites tête blondes qui en se jetant dans l'eau scellent leur destin tel le roi Laïos qui jette son nouveau né Oedipe dans la rivière.
Anne Fontaine propose sa version du mythe d'Oedipe avec Perfect Mothers à travers un casting fulgurant d'efficacité : Naomie Watts et Robin Wright (vue dans Les vies privées de Pippa Lee de Rebecca Miller ou encore La maison au bout du monde de Michael Mayer), un duo de choc malsain mais en même temps incroyablement touchant, dans les rôles de Lil et Roz. Le film conte comment 2 femmes, meilleures amies depuis l'enfance et presque soeurs siamoises, se retrouve à avoir une liaison extra-conjugale avec le fils respectif de chacune, Ian et Tom. La réalisatrice ne propose pas un jugement mais bien un mythe fataliste comme celui d'Oedipe, il s'agit plus d'un constat de la relation incestueuse et dérangeante que ces deux femmes développent, avec la tragédie antique au rendez-vous.
Le complexe d'Oedipe n'est ni un processus et encore moins un état, mais un schéma dramatique désignant le réseau des désirs et des mouvements hostiles, dont les mères en sont l'objet. Un véritable questionnement sur la reconnaissance de l’identité sexuelle et de la sexualité se met en place dans l'histoire. Du scénario à l'image, tout indique que nous sommes dans un mauvais rêve. La caméra est flottante, la lumière très crue, et le rythme du montage très lent, comme un rêve en suspend. Le film joue subtilement sur les années qui passent par des transitions raccord mouvement aux personnages. Tout bascule lorsque Ian et Tom arrivent à cet âge limite entre l'adolescence et l'âge adulte. La peur de devenir grand et autonome qui les poussent à se réfugier au près de leurs mères, mais en même temps le désir de s'émanciper et de trouver une figure qui remplacera leur mère et les guideront s'entremêlent avec la peur d'une femme de vieillir et d'une mère de se voir « voler » son fils par une autre. L'univers du films retranscrit leurs désirs d'enfants mais en même temps des pulsions primitives pour les fils comme pour les mères. Lil est Roz, malgré un caractère maternel très fort, sont des personnages tiraillés par leur besoin de rester des petites filles insouciantes. La liaison qu'elles choisiront d'entreprendre avec leurs propres fils brise quelque chose dans leur relation de soeurs fusionnelles : elles deviennent rivales en volant chacune le fils de l'autre.
En transfigurant ce complexe, la réalisatrice respecte à la lettre le shéma dramatique du complexe et met en scène la mort d'un père et l'exil du second. Dans la théorie freudienne, pour que l'enfant puisse posséder sa mère, il doit détruire son père. Le père d'Ian fait référence à Laïos du mythe d'Oedipe : une mort « accidentelle » du véritable père qui permet au fils de devenir l'attention privilégiée et surprotectrice de la mère. Le père de Tom représente le père adoptif d'Oedipe qui l'a recueilli enfant : Polybe, dont Oedipe s'en éloignera de peur de lui nuire. Ici, Tom voit en son père la figure de modèle qu'il ne parviendra pas à atteindre et s'éloigne par conséquent de lui pour ne pas le décevoir et se montre hésitant par son choix de carrière de metteur en scène. Son père étant amené à déménager à l'autre bout de l'Australie, les places des figures paternelles sont toutes libres et chaudes pour les 2 garçonnets.
La réalisatrice met ainsi en place une figure intéressante du fils délaissé par le père qui va prendre de l'importance aux yeux de Lil comme un enfant qu'elle refuse de voir grandir. En plus d'en faire une mère sur-protectrice, le personnage de Lil va commencer à se détacher de l'image de Roz, les 2 femmes étant jusque là si semblables. Les 2 meilleures amies qui agissent comme des soeurs ont elles aussi une relation, qui vu de l'extérieur, est assimilée à une relation homosexuelle, et donc dérangeante. Anne Fontaine approfondie le mythe d'Oedipe dans son film pour proposer une version d'Antigone et Ismène à travers ses 2 « soeurs ». Le changement d'attitude de Lil par rapport à son fils permet d'entamer un clivage entre ces 2 femmes et de mettre en place la tension dramatique en s'appuyant sur ce déséquilibre de leur relation. La balance va petit à petit faire ressortir des tensions intéressantes, sans qu'il y ait de l'action manifeste à l'écran. Tout est dans la psychologie des personnages. Le désir des mères de continuer leur relation fusionnelle entre soeur se projette sur leurs fils, sans évidemment créer d'autres problèmes, bouclant ainsi le mythe d'Oedipe qui par ses fautes maudits ses enfants.
Le film nous amène à comprendre, sans pour autant juger ou accepter, à travers une atmosphère nostalgique. L'histoire file en pente douce, et le spectateur avec.

Kolynou
6
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le 28 juil. 2016

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