Une romance quelque peu maladroite
"Perfect Sense" fait partie de ces films dont on ne comprend pas immédiatement le but premier : est-ce un thème philosophique porté par une romance, ou bien un film romantique teinté par la poésie de l'être ? Ici, MacKenzie n'est pas clair.
Un virus inconnu se propage dans le monde entier, privant mois après mois les humains de leurs sens. De l'odorat, jusqu'à la vue, en oubliant toutefois le toucher (sûrement trop difficile à traiter pour le réalisateur). Chaque fois que les humains perdent un de leurs sens, ils traversent une phase d'hyper-émotivité en rapport avec celui qui disparaît : le chagrin profond provoqué par la mémoire olfactive, la fringale extrême présageant la fin du goût, la dure violence & l'expression hurlante de la haine qui finiront par être remplacées par un calme silencieux & éternel, puis l'extrême beauté du monde avant l'arrivée des ténèbres. Ces transitions sont, selon moi, les passages du film ayant le plus d'intérêt : soupesant l'importance de nos sens & dénonçant l'affreuse façon dont ils sont traités par la société moderne, elles sont d'une efficacité rare (celle de la fringale est particulièrement perturbante).
& pourtant, ce sujet original se voit gâché par une niaiserie presque infâme par moments. Tout d'abord, le choix des acteurs : Eva Green.. sérieusement ?! Cette actrice n'a jamais convaincu, même les amateurs ne la reconnaissent que pour ses grands yeux de biche inexperte. Très mauvaise actrice s'efforçant de mêler le style de l'ancienne diva américaine à l'attitude méprisante de la midinette française, son jeu ne parvient pas à plaire ici. Ewan McGregor, quant à lui, est tout autant sujet d'hésitation : alors qu'il remplit son contrat dans quelques rôles secondaires tels que "I Love You Philip Morris" ou "Trainspotting", le reste de sa carrière n'est pas très glorieuse. Une belle gueule ne fait pas nécessairement un bon acteur, même si dans ce film il semble avoir quelque peu changé. Parlons ensuite de la réalisation : la caméra, bien britannique, rappelant les classiques du genre sous certains angles, prenant parfois même des aspects de séries pour adolescents (les scènes shakespeariennes entre les deux protagonistes, de la rue à la fenêtre, rappellent étrangement la série "Skins", d'autant plus qu'Eva Green est le clone imparfait de Kaya Scodelario). Les plans sont jolis, bordéliques, suivent la trame de manière linéaire : oui, c'est bel & bien britannique. Les échanges entre les personnages sont dans la continuité du thème sensoriel, & je trouve ce côté-là plutôt réussi, ajoutant par-là même une touche poétique non-négligeable. La voix-off renforce toutefois la niaiserie de cette poésie, ce qui est dommage. Quant à la bande-son, il ne s'agit ni plus ni moins que d'un calque de l'oeuvre instrumentale portée par Sigur Ros : c'est d'ailleurs écoeurant de finalement découvrir qu'il s'agit d'une toute autre personne. Quant au reste, rien de spécial n'est à signaler, ça reste classique & dans l'esprit de l'histoire amoureuse bien banale.
Le reproche final qu'on peut faire à ce film, c'est sa critique peu avenante du capitalisme, à laquelle le réalisateur ajoute un moralisme gerbant.
Pari raté : avec plus d'authenticité, une accroche moins simpliste, un choix meilleur pour la trame parallèle, cela aurait été un chef-d'oeuvre dans le genre apocalyptique. Là où "Melancholia" a réussi par sa subjectivité, là où "Contagion" a échoué par son objectivité, "Perfect Sense" stagne dans un classicisme usé jusqu'à la corde.